La visite du Musée Savoisien de Chambéry mérite bien un voyage. Réouvert le 29 avril dernier, après plusieurs années de fermeture et de restauration, elle présente un double intérêt. D’une part, elle permet de porter un regard assez nouveau sur la Savoie et ses environs, y compris sur la Vallée d’Aoste et sur le Piémont, avec une approche mêlant histoire, territoires, culture matérielle et objets du quotidien, représentation des enjeux politiques et des grandes transformations, de l’économie à l’architecture en passant par les coutumes. D’autre part, c’est une remarquable occasion de se représenter et de se raconter, un portrait qui explique d’abord à ses habitants et à leurs voisins ce qu’est la Savoie, comment elle en est arrivée là, en décrivant ses complexités, ses richesses, sa variété.

Un musée très moderne avec un patrimoine très riche

Le Musée est résolument moderne. Situé à côté de la Cathédrale de Saint-François-de-Sales, il est distribué en s’adaptant à l’architecture et à la structure des bâtiments. Le grand espace au-dessus du cloître présente l’histoire du territoire, du paléolithique aux changements climatiques, en passant par le Duché de Savoie et l’annexion/rattachement, des palafittes (patrimoine UNESCO depuis 2011) aux peintures de la Maison royale, jusqu’aux objets des deux Jeux Olympiques d’hiver, les premiers à Chamonix en 1924 et les seconds à Albertville en 1992. Les expositions sont accompagnées d’explications et de vidéos de divulgation. On y trouve des pièces de grande valeur et d’autres même extraordinaires, comme une rare pirogue datée du IXe siècle et retrouvée au fond du lac du Bourget.

Les ressources, l’alimentation, le franco-provençal et la culture plurilingue, les savoisiens

Un autre grand espace est consacré aux ressources : l’eau et la neige, l’agriculture et l’alimentation, et donc le tourisme, l’économie industrielle, les produits de la table, jusqu’à la raclette. Des salles sont consacrées aux religions, aux vêtements, aux transports, de l’utilisation des cols aux tunnels et aux téléphériques.

Le récit est sincère et soigné, avec un souci d’apporter des connaissances et de déblayer le terrain des préjugés et des attributions erronées. La Savoie a toujours parlé français, ou plutôt franco-provençal (avec le commentaire vidéo de Christiane Dunoyer, qui dirige le Centre d’études francoprovençales de Saint-Nicolas en Vallée d’Aoste), avec un profil polyglotte, dans lequel on trouve aussi de l’italien. La dimension alpine est dominante et forge une manière de voir le territoire et de le gérer, par rapport aux États nationaux de la plaine ; le petit Savoyard devient un mythe, qui correspond à la pauvreté des enfants, comme partout dans les Alpes de l’époque, mais aussi aux phénomènes migratoires qui s’ensuivent.

Savoyards et Savoisiens

La Coupe de l’amitié en bois et à plusieurs becs est valdôtaine, l’Opinel est savoyard, les objets comptent, mais les mots aussi. Par exemple, dans le passé le mot « Savoyard » en français a eu un caractère péjoratif, mais il dérive aussi du contact avec le mot italien « savoiardo », qui ne l’a pas. Le mot « savoisien » est plus ancien, plus identitaire et correct, dans la langue actuelle et dans le nom du musée. On le retrouve également dans le mouvement indépendantiste savoisien qui a même formé un petit gouvernement en exil à Genève, en 1996.

Le Musée Savoisien avec tout un monde autour

Il y a plus de 2000 pièces au Musée Savoisien de Chambéry, le travail de collecte et de narration a impliqué un grand nombre de spécialistes de différentes disciplines, la visite stimule la curiosité. En plus, flâner dans les rues de la ville, ou profiter pour un tour du Lac du Bourget et pour une visite à l’Abbaye de Hautecombe vaut le voyage, surtout de la part des valdôtains et des piémontais.

Le musée est accessible gratuitement de 10 à 18 heures, fermé le mardi. Pour toute information, voici le lien https://patrimoines.savoie.fr/web/psp_30197/musee-savoisien-2023-accueil


(cet article, avec des modifications, est également paru sur Il Corriere della Valle d’Aosta)

Directeur de Nos Alpes, journaliste. Il a collaboré avec des magazines et des journaux italiens, de Il Mulino à Limes, de Formiche à Start Magazine.

Exit mobile version