La coopération sanitaire transfrontalière en Europe /4
Entre la Belgique et la France, il existe la forme la plus établie de coopération sanitaire transfrontalière, dont on parle relativement peu, mais qui constitue un cas avancé et une bonne pratique d’accords et de collaboration, avec sept zones structurées.

Bien que moins visible dans le récit européen, il existe un système solide de coopération dans le secteur de la santé à la frontière entre la France et la Belgique. Il a débuté, comme dans d’autres cas, autour d’un problème spécifique, à savoir les soins de santé pour les travailleurs transfrontaliers, vers les années 1970, et a depuis évolué de la coopération entre hôpitaux à la création d’un espace transfrontalier de la santé.

La phase concernant les travailleurs transfrontaliers a porté sur les systèmes de sécurité sociale, complétée par une activité ultérieure concernant les soins de santé depuis le début des années 1990.

Le programme Interreg I (1991-1993) entre la province belge du Hainaut et la région française de l’époque, le Nord-Pas-de-Calais, a vu une phase d’apprentissage et d’adaptation aux systèmes d’organisation et de soins de santé de l’autre versant, qui a été suivie par un premier accord entre hôpitaux en 1993, avec une coopération en particulier entre ceux de la région Est de Lille, la ville de Tourcoing et la ville belge de Mouscron. Dans la zone transfrontalière, les patients français ont commencé à recevoir des traitements de dialyse à Mouscron, tandis que les maladies infectieuses étaient prises en charge par l’hôpital français de Tourcoing.

Là aussi, l’évolution de la base juridique européenne a permis de surmonter certains obstacles existants : avec les règlements n° 883/2004 et n° 987/2009 sur la mobilité transfrontalière, par exemple, l’autorisation préalable du service national a été supprimée. Parallèlement, avec le programme Interreg II, l’expérience a été étendue à l’ensemble de la frontière, notamment avec une carte de santé franco-belge, lancée le 1er mai 2000, en commençant par l’hôpital belge de Chimay et les hôpitaux français de Felleries-Liessies, Fourmies et Hirson.

Le développement des conventions sectorielles a finalement abouti à l’adoption d’un accord intergouvernemental franco-belge, signé le 30 septembre 2005[1] et entré en vigueur six ans plus tard, après publication dans les journaux officiels respectifs, le 1er mars 2011. L’accord s’est concrétisé dans le climat de la directive européenne n° 24 de la même année 2011 sur la mobilité des patients, les règles européennes de prescription et la mise en place de points de contact nationaux.

La carte des sept zones ZOAST (c) Observatoire Franco-Belge de la santé – GEIE

Entre-temps, l’accord a permis la création de sept zones de santé transfrontalières, les ZOAST (Zone organisée d’accès aux soins transfrontaliers). Les trois premières ont été créées en 2008 (Ardennes, Nord-Hainaut occidental, Arlon et Longwy), suivies de deux en 2010 (Mons-Maubeuge et Tournai-Valenciennes), d’une en 2012 (Thiérache) et d’une en 2015 (Littoral de la mer du Nord). On est passé d’une coopération inter-hospitalière à la définition de territoires de santé communs. D’une spécialisation des établissements par pathologie ou par disponibilité d’équipements, on est passé à une mutualisation des capacités de soins, à l’image de ce qui peut se faire au sein d’un État membre.

Cette évolution s’est accompagnée de l’adoption de nouveaux instruments, par exemple dans le domaine des soins médicaux d’urgence, avec la convention AMU du 20 mars 2007, pour les urgences et la prise en charge des infarctus du myocarde et des accidents vasculaires cérébraux, qui résout notamment dans certaines zones éloignées les problèmes de délais d’intervention de plus de 20 minutes, non conformes à la réglementation en vigueur.

Dans le domaine socio-sanitaire, un accord-cadre franco-belge sur la prise en charge des personnes handicapées a également été signé le 21 décembre 2011 et est entré en vigueur le 1er mars 2014, avec des processus conjoints de suivi, d’innovation et de réforme du secteur[2].

Notes

[1] Accord-cadre entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Belgique sur la coopération sanitaire transfrontalière, signé à Mouscron le 30 septembre 2005, JORF n°0097 du 24 avril 2011. L’acte a également été ratifié par des composantes régionales belges, par exemple par la Communauté flamande, voir Moniteur Belge – Belgisch Staatblad n°129 du 16 avril 2009.

[2] Henri Lewalle, La coopération sanitaire et médico-sociale transfrontalière franco-belge comme instrument d’intégration européenne pour améliorer les conditions de vie et l’état de santé des populations frontalières, in « Santé en contexte » UNA éditions, 2021, pp. 25-35. La liste des accords entre la France et la Belgique est disponible auprès du CLEISS (Centre des liaisons européennes et internationales de sécurité sociale), agence française qui regroupe les compétences des ministères de la sécurité sociale et de l’économie dans ces domaines.

Couverture du livre du CNR – Issirfa – Rome

Série de sept articles tirés d’un essai d’Enrico Martial dans le volume « La cooperazione sanitaria transfrontaliera : sfide ed esperienze », par les soins de Raffaella Coletti et de Gabriella Saputelli, Rome, Giuffré 2022, dans une série de l’ISSIRFA du Consiglio nazionale delle Ricerche (CNR).

(suite après le week-end : la série reprend le lundi 19 août)

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Directeur de Nos Alpes, journaliste. Il a collaboré avec des magazines et des journaux italiens, de Il Mulino à Limes, de Formiche à Start Magazine.

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