La coopération sanitaire transfrontalière en Europe /5
L’ouverture de la coopération sanitaire et de la mobilité des soins entre la Belgique (germanophone en particulier) et l’Allemagne s’est traduite par un déplacement des patients vers la ville allemande d’Aix-la-Chapelle, bien structurée et dotée d’un grand hôpital.
Il en est résulté un problème de flux et de remboursement des coûts qui a finalement conduit à restreindre la même mobilité frontalière à quelques municipalités belges, avec un remboursement moindre. Il s’agit d’un cas d’école de processus complexes qui doivent être évalués au stade de la planification et qui posent également le problème de l’absence d’un système européen coordonné.

La frontière entre l’Allemagne et la Belgique, à laquelle participent également les Pays-Bas, est également emblématique d’un processus de coopération qui s’opère entre le caractère embryonnaire de la base législative européenne et les tentatives de solutions locales et régionales. Avec un tissu sanitaire moins raréfié qu’aux autres frontières intérieures européennes, des besoins de soins moindres pour les travailleurs transfrontaliers, la coopération a débuté en 1997, en raison d’affinités territoriales, par exemple entre le Limbourg belge et néerlandais (Liège et Maastricht) ou entre la Communauté germanophone de Belgique et le territoire allemand voisin d’Aix-la-Chapelle.

En septembre 2000, le projet IZOM de mobilité transfrontalière des patients impliquant les organismes d’assurance maladie des trois pays a vu le jour : l’initiative concernait principalement la question du remboursement.

Cela a créé un environnement relativement ouvert pour le recours aux soins, mais avec des effets asymétriques par rapport au travail de coordination plus important sur la frontière franco-belge. Ainsi, du côté belge, on a assisté à un déplacement des patients vers les soins allemands, avec l’apparition progressive d’une fracture territoriale dans l’offre et quelques critiques de la part des médecins belges eux-mêmes, qui voyaient leur zone de chalandise se réduire.

Les deux règlements n° 883/2004 et n° 987/2009 ont permis le recours à des services dont les paiements sont gérés entre les caisses d’assurance. L’attractivité accrue de l’offre allemande a entraîné d’une part une augmentation des recettes, mais aussi un retard dans les paiements entre les organismes de part et d’autre de la frontière. En 2015, cela représentait 15 000 dossiers, avec un remboursement de la Belgique vers l’Allemagne de 5,2 millions d’euros.

L’avènement de la directive n° 24/2011 a permis à la partie allemande de choisir le mode de paiement sur place par le patient, qui devra ensuite se faire rembourser par son assurance nationale. La convention IZOM a été dénoncée en 2016 et a cessé ses effets le 30 juin 2017.

Un nouvel accord, entré en vigueur le 1er juillet 2018, a limité le nombre de communes belges couvertes dans les cantons germanophones à 14 et quelques autres dans le Limbourg. Les frais sont désormais avancés par le patient, avec un remboursement en Belgique de 75 % pour les services jusqu’à 200 euros, et pour ceux qui dépassent la valeur fixée au niveau national pour ce type de service.

En outre, il existe une procédure d’autorisation conforme à la directive de 2011[1]. Il en résulte une contraction des flux – tant financiers qu’en termes de services – entre les offres de soins de santé de la Belgique et de l’Allemagne.

La réduction de la mobilité des patients s’est toutefois faite en parallèle avec l’amélioration d’autres domaines de coopération, comme la coopération particulièrement poussée entre l’hôpital néerlandais de Maastricht et l’hôpital allemand d’Aix-la-Chapelle, qui coopèrent depuis des années, échangent du personnel médical et partagent, par exemple, des équipements à coût élevé[2].


Notes

[1] Nouvelle réglementation pour la mobilité des patients dans les Cantons de l’Est, Kidoscope – Union Nationale des Mutualités Libres, Bruxelles, 2018.

[2] Commission européenne, Study on better cross-border cooperation for high-cost capital investments in health, 2016. Un compte rendu utile des collaborations entre la France, la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg et l’Allemagne a été compilé par Jacob Cloo et Peter Janssens, Soins de santé au-delà de la frontière. Les barrières et opportunités dans le Benelux, Bruxelles, Secrétariat Général du Benelux, 2019. Pour les secours d’urgence et la protection civile, voir Marian Ramakers, Tom Bindels et Jan Wellding, Grenzüberschreitende Hilfeleistung in der Euregio Maas-Rhein, Aix-la-Chapelle 2007.

Couverture du libre du CNR – Issirfa – Rome

Série de sept articles tirés d’un essai d’Enrico Martial dans le volume « La cooperazione sanitaria transfrontaliera : sfide ed esperienze », par les soins de Raffaella Coletti et Gabriella Saputelli, Rome, Giuffré 2022, dans une série de l’ISSIRFA du Consiglio nazionale delle ricerche (CNR).

(à suivre demain)

LIRE LA SÉRIE DE SEPT ARTICLES : La coopération sanitaire transfrontalière en Europe

Directeur de Nos Alpes, journaliste. Il a collaboré avec des magazines et des journaux italiens, de Il Mulino à Limes, de Formiche à Start Magazine.

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