Le Comité frontalier prévu par le Traité du Quirinal s’est réuni pour la deuxième fois à Nice le 6 février 2025, après une première réunion le 31 octobre 2023 à Turin.
Il était présidé par les deux ministres des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot et Antonio Tajani, en présence du ministre français des Transports, Philippe Tabarot. Le maire de Nice, Christian Estrosi, a assuré l’organisation et l’acceuil et a apporté différents thèmes et proposotions au travaux.
Parmi les sujets abordés, on peut citer le doublement du tunnel Mont Blanc, l’eau de la Roja, la liaison entre la Corse et la Sardaigne, l’ouverture du tunnel de Tende, le deuxième tube routier et le chemin de fer du Fréjus, les écoles bilingues de Menton et de Vintimille, ainsi que les nombreux accords locaux.
En plus des nombreux sujets, il y avait beaucoup de monde, surtout des représentants politiques : des régions, départements et provinces, des municipalités et d’autres organisations et structures, des tunnels aux organismes de coopération. Chaque sujet ayant droit à deux représentants, la grande salle de la Villa Masséna était bien remplie, les équipes et les fonctionnaires dans une salle adjacente. Une représentation de la Principauté de Monaco, invitée en tant qu’observateur, a contribué au débat.
L’ambiance et la méthode
Le matin, une réunion « technique », toujours en plénière, s’est déroulée sur une période plus longue, avec les mêmes représentants. Selon plusieurs personnes présentes, il s’agissait d’une sorte de répétition générale pour l’après-midi.
La décision de choisir des thèmes a été un progrès : mobilité transfrontalière (routière, ferroviaire et maritime), environnement et ressources en eau (essentiellement pour la Roya), collaboration culturelle et linguistique, coopération en matière de santé, gouvernance, avec un éventuel secrétariat du Comité frontalier à Nice.
Il est vrai aussi que certaines questions ou obstacles transfrontaliers ne sont pas encore à l’ordre du jour, comme, pour n’en citer qu’un, le géoblocage, qui empêche l’accès aux contenus culturels et télévisuels de l’autre pays, par exemple France Télevision et RaiPlay.
En revanche, il faut noter que la liste des questions dites et mises à l’ordre du jour est longue. Elle offre à Nos Alpes plusieurs pistes d’analyse et peut-être au Comité d’autres réunions intermédiaires entre les grandes rencontre, comme cela a été évoqué lors de la réunion.
Finalement, l’atmosphère a été assez productive, bien qu’il y ait encore un peu de rhétorique sur les « cousins » français ou italiens. La coopération est ressentie comme relativement facile, la communication s’est certainement améliorée.
Ce qu’il faut retenir sur les transports du Comité frontalier de Nice
A propos du tunnel du Mont-Blanc, le ministre Tajani a proposé de créer un groupe de travail technique sur le doublement, ne serait-ce que pour voir s’il n’est pas paradoxalement préférable d’en construire un nouveau que de travailler sur l’actuel pendant trois mois de l’année, en bloquant la circulation, et pendant 24 ans. Il pourrait être utile d’évaluer l’impact de la pollution des véhicules faisant la queue aux accès. Un premier rapport technique déjà partagé devrait présenter des données et des infos à cet égard.
Le deuxième tube du tunnel routier du Fréjus et le premier tube du tunnel routier de Tende seront inaugurés avant la fin du mois de juin, ont déclaré les ministres des Affaires étrangères, avec la confirmation du ministre français des transports, Philippe Tabarot.
Par ailleurs, le trafic ferroviaire au Fréjus devrait reprendre à partir du 1er avril, après la longue fermeture et les travaux consécutifs à l’éboulement en Maurienne du 27 août 2023. Le péage du tunnel routier du Fréjus devrait être réduit pour les communes frontalières, le souhait de voir revenir les trains régionaux et les TER entre la Maurienne et Suse, et les demandes de travaux de sécurité et d’aménagement de la route du Montgenèvre. Les participants ont écouté la proposition d’un nouveau statut pour les connexions aux cols transfrontaliers, peut-être aussi pour partager les coûts d’entretien et de sécurité qui, en France, sont à la charge des départements.
La Principauté de Monaco, qui voit passer 9 millions de voyageurs par an dans sa gare ferroviarie, souhaite une ligne avec un service régulier et de qualité (elle a connu des interruptions récentes) et a évoqué le sujet du TGV à l’est de Nice et peut-être jusqu’à Vintimille.
Sur le littoral et à la mer
L’axe ferroviaire du litoral a été évoqué comme un corridor commun, et donc ses problèmes et ses opportunités : obtenir des fonds européens, réaliser les travaux sur le tronçon Finale-Andora (encore à voie unique), mettre en place le système de signalisation ERTMS pour faire circuler les trains sur les deux réseaux. Un parlementaire a cité le nombre de 14 000 camions par jour sur l’axe autoroutier et a demandé qu’une partie du trafic soit transférée sur le rail.
Enfin, la Sardaigne et la Corse ont demandé une dérogation ou un règlement pour que la liaison entre Santa Teresa Gallura et Bonifacio devienne nationale (elle n’est que de 15 kilomètres) afin de permettre à des navires d’un plus grand nombre de classes d’assurer le service.
Les deux navires actuels de classe A sont l’un en maintenance et l’autre en panne, ce qui a entraîné une interruption de la liaison pendant trois mois. Il faut cependant trouver rapidement deux navires supplémentaires et améliorer la liaison avec la Toscane, qui n’est qu’à 17 kilomètres à vol d’oiseau.
Eau et environnement, culture, santé
La répartition des eaux de la Roya, qui alimente Menton et partiellement Monaco, dépend d’une convention de 1967 qui doit être revue car de nombreuses conditions ont changé, tant en ce qui concerne l’ampleur de l’utilisation de ses eaux que les conséquences de la tempête Alex.
Dans le domaine de la culture, le Comité frontalier a mentionné l’école française de Vintimille (qui accueillait à l’origine les familles des cheminots français travaillant à la gare) et une école italienne à Menton. L’Académie de Provence Alpes Côte d’Azur a souligné que le Traité du Quirinal avait permis de identifier des initiatives auparavant dispersées. Le président Renzo Testolin pour la Région Vallée d’Aoste a fait part de l’accord passé avec l’Alliance française et d’autres institutions pour permettre la reconnaissance du DELF pour les élèves valdôtains, qui fréquentent une école axée sur le bilinguisme.
Dans le domaine de la santé, d’une part, le Comité frontalier a souligné les obstacles transfrontaliers à la mobilité des patients et à l’offre de soins, notamment entre Briançon et Suse ; d’autre part, un projet Interreg en cours a été mentionné, qui aborde précisément ces aspects juridiques et organisationnels pour l’ensemble de la frontière franco-italienne.
La gouvernance des nombreux accords locaux
Pour la gouvernance, la liste des nouveaux partenariats est longue. Ils vont de l’Alliance transfrontalière des Alpes du Sud entre la métropole de Nice, la province de Cuneo et la province d’Imperia, au GECT en préparation « Alpes de la mer » porté par la CARF (Communauté d’agglomération de la Riviéra française), qui regroupe une soixantaine de communes, en passant par le GECT Espace Mont-Blanc. Présenté par le maire de Chamonix, peut-être plus en retard dans sa préparation, il est prévu dans le même programme de travail que le Traité du Quirinal.
Viennent ensuite la déclaration d’intention entre la Vallée d’Aoste et la Haute-Savoie, le protocole de coopération entre la métropole de Nice et la ville métropolitaine de Gênes, et divers jumelages entre communes. Les Jeux olympiques d’hiver de 2030 dans les Alpes françaises, mais avec une compétition de patinage de vitesse à Turin, contribuent également à la coopération.
Enfin, le maire Christian Estrosi a confirmé la proposition d’accueillir le secrétariat du comité frontalier à Nice : mais la question semble encore ouverte.
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