À cheval entre la vallée de La Thuile (Vallée d’Aoste) et la Val d’Isère (Isère), malgré sa situation imposante à 2188 mètres d’altitude, se trouve « Le chromlech du Petit-Saint-Bernard », un site préhistorique bien décrit par Guido Cossard dans le livre du même nom. Au fil des siècles, le site a fait l’objet d’analyses et d’études approfondies sur son histoire, sa structure et ses hypothèses d’utilisation par des érudits et des curieux, les dernières en date étant, par ordre chronologique, celles de l’archéoastronome valdôtain.
Hier, samedi 21 juin et jour du solstice d’été, le versant italien du col a attiré des passionnés de montagne, d’archéologie et d’astronomie pour un événement dédié, comprenant la présentation du volume susmentionné. En effet, en ce jour précis, les pierres du cromlech se sont transformées en spectateurs et protagonistes d’un phénomène d’une précision millimétrique, une ombre semi-circulaire embrassant le cercle, laissant l’espace sacré en pleine lumière.
Le texte, initialement en italien, a également été traduit en français sous le titre « L’Enceinte Sacrée : le cromlech du Petit-Saint-Bernard ».
Enquêter sur le passé avec les outils du présent
Publié pour la première fois en 1988 dans la revue « L’Astronomia » et repris aujourd’hui en volume, « Le chromlech du Petit-Saint-Bernard » de Guido Cossard est le résultat d’années d’enquêtes, de mesures, de simulations et de comparaisons. L’auteur, physicien et enseignant ainsi que fondateur de l’Association valdôtaine des sciences astronomiques, a su allier l’intuition du passionné à la précision du scientifique.
Le livre n’est pas un essai de célébration mais plutôt une recherche lucide et en partie encore ouverte, qui nous invite à réfléchir sur ce qui nous lie à la voûte céleste et sur la façon dont, il y a des millénaires, l’homme a écouté les étoiles avec des pierres. D’où son ambivalence de destination pour les spécialistes mais aussi, grâce à l’alliance de la minutie vulgarisatrice et de l’imagination respectueuse, pour les simples curieux qui lèvent les yeux vers le ciel pour se poser des questions.
« Le cromlech du Petit-Saint-Bernard » de Guido Cossard
« Le cromlech du Petit-Saint-Bernard » décrit par Guido Cossard se présente comme un cercle de 43 pierres, vestige de ce qui devait en compter au moins 50 à l’origine, enfoncées verticalement dans le sol et appelées menhirs. D’un diamètre total de près de 73 mètres, elles sont disposées par endroits selon des alignements astronomiques, tandis que d’autres indiquent le point de lever du soleil aux équinoxes ou le coucher du soleil solsticial.
La structure, selon Cossard, était probablement un ancien calendrier stellaire, utile pour le maintien et le bon déroulement des activités agricoles et rituelles des populations anciennes. L’absence d’un centre physique déterminé, coïncidant peut-être autrefois avec un dolmen détruit au fil des siècles, empêche toute affirmation définitive, mais les données recueillies ouvrent la voie à des scénarios fascinants.
Il faut toutefois souligner que cette étude s’inscrit dans un cadre plus large de recherches archéoastronomiques menées en Vallée d’Aoste, par exemple entre la zone mégalithique de Saint-Martin-de-Corléans et la ville d’Aoste. Une corrélation entre les structures datant de 3000 ans avant Jésus Christ situées ici renforcerait l’hypothèse de l’existence d’une culture alpine ancienne et organisée, capable de dialoguer avec les cycles célestes et d’autres civilisations.
Entre Celtes, druides et voies romaines
Les recherches sur le cromlech du Petit-Saint-Bernard que Guido Cossard confie aux pages de son livre ne se limitent pas à des enquêtes de terrain mais proposent également un voyage à travers les textes anciens. Dans le « De Bello Gallico », par exemple, Jules César parle des druides, des sages qui connaissaient le mouvement des étoiles, des prêtres qui l’ont peut-être utilisé comme instrument astronomique.
Cependant, il n’est pas exclu que le site soit encore plus ancien et que ce soient précisément les druides qui aient hérité de sa fonction de gardiens de la sagesse primordiale. Il a continué à servir de centre sacré, d’abord avec un petit temple gallo-romain, puis avec l’ancienne voie romaine vers la Gaule construite spécifiquement pour ne pas le violer.
Ce n’est qu’aux XIX et XX siècles, avec la création de la route internationale, qu’il a subi des dommages, auxquels il a été partiellement remédié en 2012 grâce à sa restauration.
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