Après les quatre épisodes du récit de Jacques Martinet sur Napoléon au Fort de Bard, voici quelques éléments de contexte.
La deuxième campagne d’Italie, menée en 1800, est l’une des nombreuses démonstrations du génie stratégique de Napoléon. Le passage de l’Armée de réserve par le col du Grand-Saint-Bernard surprend l’armée autrichienne qui est définitivement vaincue à Marengo et contrainte de se retirer des territoires actuels du Piémont, de la Ligurie et de la Lombardie.
Le seul obstacle qui entrava sérieusement l’issue de la guerre éclair française fut le Fort de Bard, en Vallée d’Aoste. Sur les cartes avec lesquelles les généraux et Napoléon préparaient leur descente éclair en Italie, le fort était indiqué comme un simple château. Au fur et à mesure que l’armée s’approchait de Bard et recueillait des informations, on se rendait compte que faire passer de l’artillerie lourde serait beaucoup plus difficile que prévu.
Berthier, général de l’armée, fait part de ses inquiétudes dans une lettre à Napoléon. La bataille dura du 20 mai jusqu’à la capitulation autrichienne le 1er juin. Après la victoire de Marengo, Napoléon ordonna de raser le « vilain château de Bard ». Le fort ne sera reconstruit qu’en 1827 sur ordre de Charles Félix, craignant une nouvelle agression française contre le royaume de Sardaigne.
Les dessins de Napoléon au col du Grand-Saint-Bernard le représentent sur son habituel cheval blanc, mais le consul de France franchit le col à dos de mulet, conduit par Pierre-Nicolas Dorsaz, habitant de Bourg-Saint-Pierre en Valais, qui accompagne le groupe jusqu’à Étroubles en Vallée d’Aoste.
La figure de Dorsaz contribue à humaniser Napoléon : l’une des sources sur cette étrange rencontre affirme que le guide ignorait à quel point celui qu’il appelait « capitaine » était illustre et qu’ils eurent l’occasion de se parler et de se confier longuement au cours de la traversée. Ce n’est qu’à la fin du voyage que Napoléon se présente au guide comme le consul Bonaparte et lui promet de lui envoyer suffisamment d’argent pour qu’il puisse se marier et acheter une maison.
En témoigne une lettre de remerciement de Dorsaz datée de 1801 où il écrit : « Tout le monde bénit le nom Bonaparte ». Il épouse Eléonore Genoud, achète une maison dans son village et ses deux enfants y naissent.
En ce qui concerne les réparations à Bourg-Saint-Pierre et à l’hospice du Grand-Saint-Bernard, Napoléon n’est pas très coopératif. Les registres du couvent contiennent des données significatives sur les ressources fournies à l’armée : 27 703 bouteilles de vin, 3 497 livres de fromage, 1 758 livres de viande et 495 livres de pain, sans compter les couvertures et les dégâts causés aux routes et aux maisons du petit village valaisan. Les moines ont obtenu une somme bien inférieure à celle qui avait été convenue, tout comme la commune de Bourg-Saint-Pierre.
Cette réparation a été symboliquement versée par le président français François Mitterrand. Lors d’une visite en 1984, il le qualifia d’« ami commun » et lui remit un médaillon en bronze représentant Napoléon franchissant le col du Grand-Saint-Bernard.
La figure de Pierre Cornaille, habitant de Bard, est attestée par divers témoignages, et il fut bien plus qu’un simple espion autrichien. Comme le rappelle le chanoine Pierre-Louis Vescoz, Cornaille donnait aussi des conseils aux Français, par exemple sur le choix de positionner leurs canons pour tirer directement sur la porte du fort. Il est capable « d’offrir un cierge à Lucifer et l’autre à saint Michel ». C’est lui qui adresse la dernière invitation à se rendre au commandant autrichien Bergkopf, qui n’a alors plus d’autre choix que d’accepter.
De nombreuses traces du passage de Napoléon subsistent en Vallée d’Aoste et au Valais : des vestiges conservés dans les gîtes et les hôtels où il a séjourné, aux enfants nés sous son nom après son passage. Un souvenir encore vivant dans la culture valdôtaine est représenté par les costumes des Landzettes. Ces masques sont typiques de l’un des plus anciens carnavals médiévaux, celui de la Coumba Freida. Les costumes des Landzettes sont voyants, pleins de paillettes, de miroirs et s’inspirent des uniformes de l’Armée de Réserve. Chaque année, pendant le carnaval, elles défilent dans les rues, marquant ainsi leur mémoire.
En outre, une reconstitution de la bataille entre les Austro-Piémontais et les Français est organisée au Fort de Bard pendant l’été.
Bien que les guerres actuelles et futures remplissent de nouvelles pages d’histoire, le souvenir de Napoléon ne cessera pas d’exister. Tous les personnages mentionnés et documentés dans les récits ont vécu à l’époque napoléonienne. Pour conclure, citons, dans une réinterprétation adaptée à la période analysée, l’épilogue du film Barry Lindon de Stanley Kubrick :
« C’est sous le règne de Napoléon que les personnages susmentionnés ont vécu et se sont disputés, bons ou mauvais, beaux ou laids, riches ou pauvres sont désormais tous les mêmes ».

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JOSEPH-ALPHONSE FARINET RACONTÉ PAR JACQUES MARTINET
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