L’histoire de Moûtiers a été fortement influencée par des histoires liées à la présence de l’eau. Aujourd’hui, Moûtiers se situe au pied du plus grand domaine skiable du monde, les Trois Vallées, et à proximité du Parc National de la Vanoise.
Mais le développement de la capitale historique de la Tarentaise, au cours des siècles, est surtout lié à sa position au bord de l’Isère et à la présence de sources thermales à très forte salinité à proximité immédiate.
Partons découvrir les histoires d’eau de Moûtiers.
Moûtiers, l’Isère et son pont Saint-Pierre
Entre Albertville et Aime, en Tarentaise, il est rare de trouver le long de l’Isère un élargissement de la vallée. C’est le cas à Moûtiers justement.
A quelques centaines de mètres en amont de la confluence entre l’Isère et le Doron de Bozel, à l’embouchure de la vallée qui mène vers les grands cols de la Vanoise, sur les chemins qui mènent vers la Maurienne et au-delà vers la Vallée d’Aoste et l’Italie, Moûtiers occupe un emplacement idéal pour contrôler l’accès à la vallée.
Sur la route romaine qui de Vienne, en Isère, emmenait les marchands et les troupes vers Aoste à travers le col du Petit Saint Bernard, Moûtiers, Darantasia au temps des Romains, permettait de faire une halte en toute sécurité, avant de poursuivre vers Axima (Aime), à l’époque capitale administrative des Ceutrons, le peuple que les Romains avaient su dompter, et enfin le col.

Moûtiers se développa rapidement de part et d’autre du pont qui se tenait à la place de l’actuel pont Saint-Pierre, qui lui, date de 1785. Sa position de gué, lui donna une importance militaire d’abord et plus générale ensuite. Le plan actuel se superpose avec le plan de la ville romaine. La Grand Rue semble être le « decumanus » et la rue Cardinale le « cardus maximus ». Le forum devait être placé sous l’actuel groupe cathédral sur les berges du fleuve.
Dès le IIIème siècle, Darantasia devenait capitale à la place d’Axima, et au milieu du Vème siècle elle devint siège d’un évêché, ce qui lui donna une importance capitale par la suite.
La lutte d’influence entre Moûtiers et le reste de la Savoie
Vers le V-VIème siècle, la région est totalement évangélisée et convertie et la ville devient un évêché. Une cathédrale est construite près d’un petit fort. La ville commence à se développer.
Mais les Sarrasins passèrent par là et détruisirent la ville, avant que celle-ci ne retrouve son importance par la création du Comté de Tarentaise, sous l’autorité de l’évêque de Moûtiers autour de l’an 1000. C’est à cette même période que Darantasia se transforma en Monasterium, à cause de la présence probable d’une abbaye ou d’un monastère. Voilà comment Darantasia s’est transformée en Moûtiers.
Pendant toute la période comtale de Savoie, le Comte de Savoie a été obligé de composer avec le Comte de Tarentaise, c’est-à-dire l’évêque, pour s’assurer de pouvoir administrer cette vallée essentielle. Les deux se regardaient en chien de faïence : de la citadelle de Conflans à Albertville on aperçoit la vigie de la Bâthie à quelques kilomètres. Les deux puissant voisins, amis, ennemis, représentant le temporel et le spirituel avaient une confiance relative l’un envers l’autre.
Ce fut plus clair lorsque le Comté de Savoie devint Duché. Il prit le contrôle complet de la Tarentaise. Et c’est à ce moment qu’un flux d’eau devint important…
Les Salines Royales de Moûtiers

La source de Salins, à 2km au sud de Moûtiers, avait une particularité : elle était très riche en sel. Et le sel au Moyen-Âge était une vraie richesse.
Il existe trois façons de récolter du sel : creuser dans la roche (le sel gemme), faire évaporer l’eau de mer (les salines de plein air) ou faire cristalliser le sel provenant d’une source d’eau à forte salinité. A Salins, c’était cette troisième situation qui se présentait.
La source était connue depuis longtemps déjà, à l’époque des Romains, lorsque le Duc de Savoie Emmanuel Philibert, en 1560, décida d’industrialiser sa récolte.
Les salines devinrent royales, lorsque le duc de Savoie devint Roi de Sardaigne en 1720. Et depuis, ont toujours gardé ce nom.
Un ingénieux système de cristallisation progressive le long de cordages fut inventé. Cinq piliers de gradation furent érigés, il en reste quatre que l’on peut encore voir.
En 1730, pour avoir plus d’espace, l’eau salée était acheminée jusqu’à Conflans. Au milieu du XVIII-ème siècle, les Salines Royales de Moûtiers produisaient 1000 tonnes de sel par an, et employèrent jusqu’à 120 personnes le siècle suivant.
L’industrie du sel avait pris une place extrêmement importante à Moûtiers ! A tel point que lorsque les révolutionnaires français occupèrent la Savoie, à la fin du XVIIIème siècle et qu’ils s’adonnèrent à leur passe-temps favori de changer les noms des villes, Moûtiers (dont l’origine, Monasterium, était trop religieuse) devint Mont-Salins !

Moûtiers était à cette époque une ville très importante, et elle devint le siège de l’Ecole des Mines, voulue par Napoléon pour former les futurs ingénieurs responsables de l’extraction des minerais de tout genre en France. Les mines se trouvaient à Peisey, près d’Aime, mais l’administration de l’Ecole et la salle de classe étaient à Moûtiers, ville plus grande et plus agréable à vivre pour les étudiants et le personnel.
Le règne de Napoléon prit fin un jour, la Maison de Savoie reprit ses droits et l’Ecole des Mines partit à Paris.
La période faste s’acheva lorsqu’en 1860, la Savoie fut annexée définitivement à la France et les Salines Royales de Moûtiers entrèrent en concurrence avec des salines bien plus anciennes et bien plus rentables : les salines du Midi de la France. Les Salines Royales de Moûtiers furent délaissées ; cette concurrence interne fut étouffée, et les salines furent fermées en 1866.
Heureusement que cette eau salée avait d’autres vertus…
La « Mer Thermale » de Moûtiers

Des montagnes et des sources… forcément, le thermalisme s’est développé dans la région de Moûtiers.
A proximité immédiate de la ville, les fameuses sources de Salins – celles qui ont servi à produire du sel – étaient connues dès la période romaine pour leurs vertus thérapeutiques.
Jaillissant à 33 degrés et très riches en sels minéraux, ces eaux étaient réputées comme très efficaces pour les maladies de peau et les rhumatismes. Les sources de Salins sont connues sous le surnom de « Mer des Alpes » ! La quantité d’eau thermale disponible est impressionnante, jusqu’à cinq millions de litres par jour et le village devient vite le siège d’un important établissement thermal. Celui-ci est achevé dès 1820, et la période faste du tourisme thermal voit le jour. Les coteaux de Salins voient fleurir de belles maisons bourgeoises. Et le village à la jolie église baroque de Saint-Joseph ainsi que la présence au château de Melphe des représentants de la Maison de Savoie en font une destination de renom au cours du XIXème siècle.
Une courte promenade le long des rives du Doron permet d’accéder à une autre ville thermale, Brides-les-Bains. Les deux centres sont associés de nos jours dans la cure pour l’amincissement et pour accompagner les problèmes liés à l’obésité et notamment les effets du poids sur le développement de l’arthrose.

Brides-les-Bains est reliée par télécabine au domaine skiable de Méribel, au cœur des Trois Vallées. Une forme réussie de tourisme quatre saisons. A deux pas de Moûtiers, une destination idéale pour associer bien-être et loisirs de montagne.
On ne s’arrête que très peu souvent à Moûtiers. Ville de passage comme tant d’autres dans les Alpes, on la traverse pour atteindre la destination des vacances à la montagne, été comme hiver. On ignore trop souvent alors l’histoire de cette ville qui pourtant a été le siège du Comté de Tarentaise et de la saline la plus importante des territoires de la Maison de Savoie.
Aujourd’hui, accessible en train à grande vitesse, elle est la porte d’entrée du vaste massif de la Vanoise et du plus grand domaine skiable du monde. Mais elle est surtout et pour longtemps encore rattachée à son histoire d’eau par la proximité des stations thermales de Salins-Fontaine et de Brides-les Bains.
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