Dans quelques années le Brie, le Camembert et d’autres fromages célèbres d’origine française risquent de disparaître des rayons des supermarchés nationaux et internationaux. Un article du Conseil National de la Recherche Scientifique (CNRS) sur le sort incertain du « Penicillium camemberti », principal ingrédient de la transformation laitière, tire cette sonnette d’alarme.
Le « Penicillium camemberti »
Le « Penicillium camemberti » a été découvert en 1906 et a immédiatement suscité l’intérêt par sa capacité à faire « fleurir » des croûtes colorées à la surface des fromages. En effet, conservés dans des caves à l’atmosphère humide, ceux-ci pouvaient développer les moisissures habituelles dont la couleur variait entre le gris, le vert et l’orange.
Cependant, avec l’avènement de la production industrielle et l’arrivée sur le marché des Brie, Camembert et autres, ce procédé plutôt long a été progressivement abandonné. On préfère désormais la plus efficace culture de spores en laboratoire et leurs clonage en fonction des exigences gustatives et du respect des législations locales et européennes en matière de sécurité alimentaire.
La stérilité
« On a pu domestiquer ces organismes invisibles comme l’on a fait avec des chiens ou des choux – explique Jeanne Ropars, chercheuse au CNRS -. Mais ce qui s’est passé, comme à chaque fois qu’une forme de vie petite ou grande est soumise à une sélection trop drastique, c’est que sa diversité génétique a été fortement réduite ».
En s’appuyant uniquement sur des clones au lieu d’une reproduction plus naturelle, l’industrie a donc fini par générer une série de mutations négatives dans le génome du « Penicillium camemberti » qui les a rendus quasiment stériles.
La seule solution pour sauver les spores serait, selon les experts, un retour complet à des méthodes de multiplication plus naturelles qui respectent la lenteur de la vie de l’espèce. La possibilité d’utiliser une autre variante naturellement présente dans le lait cru et présentant une incroyable différenciation génétique et phénotypique, le « Penicillium biforme », est également envisagée pour le moment; toutefois il en résulterait « une plus grande diversité de saveurs, de couleurs et de textures que les amateurs de fromages devront apprendre à apprécier ».
Le Brie et le Camembert ne sont pas les seuls qui risquent de disparaître
Outre le Brie et le Camembert d’autres fromages français populaires tels que le Bleu de Termignon et le Roquefort risque de disparaître. Tous deux caractérisés par la moisissure bleue typique qui leur confère leur goût intense et persillé habituel, ils dépendent en grande partie de la survie du « Penicillium roqueforti ».
Seules quatre espèces de cette spore existent actuellement et ont été séquencées par l’équipe de recherche du CNRS dirigée par Jeanne Ropars et Tatiana Giraud. Mais là encore, pour pouvoir « produire du fromage en grande quantité, les entreprises ont sélectionné des souches répondant au cahier des charges qu’elles s’étaient fixé » et permettant une croissance rapide. Dans ce but, « l’industrie alimentaire a exercé une telle pression sur la sélection que la diversité microbienne des produits non créés s’est extrêmement appauvrie ».