Alpes du Nord et Rhône

Nos Alpes à la découverte… des Diables de Bessans, en Haute-Maurienne

Bessans, un diable en vois - Benoît Brassoud / Wikimedia Commons, License CC BY-SA 4.0

Outre les sculptures en bois représentant des diables, Bessans est célèbre pour son architecture religieuse et son patrimoine gastronomique.

Qui imaginerait que dans le paisible village de Bessans en Haute Maurienne, à plus de 1700 mètre d’altitude les Diables auraient pu trouver domicile ? D’ailleurs ce n’est pas qu’un Diable mais des centaines de Diables qui naissent depuis des dizaines d’années dans les ateliers de sculpture sur bois qui ont bâti cette étrange réputation de Bessans.

Bessans, le village des Diables

En effet, ce village savoyard est non seulement connu pour son site naturel aux portes du Parc National de la Vanoise, pour ses pistes de ski de fond sur lesquelles s’entraîne l’équipe de France nordique mais aussi… pour ses sculptures de Diables en bois !

Un grand Diable très coloré vous accueille sur la place du village, près de la fontaine qui fait face à la mairie. Le promeneur peut en apercevoir d’autres sur les rebords des fenêtres comme si cela faisait partie d’un rite ou d’une superstition, et même sur les écoles ! Protection contre le mal, si présent dans les légendes de montagne ?

Non, pas du tout. Tout remonte, au milieu du XIXème siècle, à une petite plaisanterie.

Que les diables emportent le curé de Bessans !

Nous sommes fin novembre, en l’an de grâce 1857. Le village est paisible. Il est probablement déjà recouvert de neige au début de cet hiver-là, pour de nombreux mois. Les hommes s’occupent. Certains sont devenus experts dans l’art de créer des figurines et des statues polychromes qui sont vendues dans toute la vallée de la Maurienne pour orner les églises et les chapelles.

L’un d’entre eux, Etienne Vincendet, est d’ailleurs surnommé « Etienne des Saints », tant il excelle dans la sculpture des figurines d’inspiration religieuse. Etienne est aussi chantre et sacristain à l’église de Bessans. Il participe à la chorale de l’église. Un sculpteur, un chantre… quel est le rapport ?

La tradition voulait que le curé de la paroisse offrît un repas chaque année à tous les chantres en remerciement de leur engagement. Cette année-là, le curé, en froid avec l’administration locale, décida de ne pas respecter la tradition.

« Au diable ! », a dû se dire Etienne qui, très vexé, décida de sculpter une statuette en pin cembro représentant un diable qui emportait un curé sous son bras. La nuit suivante il alla poser cette statue sur le rebord de la fenêtre du presbytère, pour que le curé l’aperçoive à son réveil et comprenne le message…

Le curé ayant compris qui était à l’origine de cette plaisanterie, décida de la ramener sur le rebord de la fenêtre de l’expéditeur !

Cette plaisanterie dura quelques temps, avec ce diable qui passait de fenêtre en fenêtre dans le village. Jusqu’au jour où un visiteur qui remontait la vallée de la Maurienne trouva cette statuette tellement originale qu’il voulut l’acheter.

Et voilà comment une mauvaise plaisanterie devint un nouveau négoce pour les sculpteurs de Bessans. Et le Diable s’installa dans le village.

Bessans, art, artisanat et gastronomie

La tradition de la sculpture sur bois des Diables de Bessans perdure de nos jours. Pour trouver le plus beau des Diables, qu’il soit gentil ou méchant, il faut se rendre dans l’atelier « Le Chapoteur ».

Rien que le nom de la rue vaut le détour. L’atelier se trouve rue du Saint-Esprit ! C’est ici que Fabrice Personnaz, qui a succédé à son père Georges -dit Jopo- crée de magnifiques sculptures polychromes dans un des bois typiques de la région : le pin cembro.

La salle d’exposition de l’atelier est ouverte tous les jours de l’année et sur demande vous pouvez visiter l’Enfer, c’est-à-dire l’atelier souterrain dans lequel l’artisan sculpteur crée ses œuvres diaboliques ou pas. Et vous pourrez alors découvrir pourquoi le diable de Bessans a quatre cornes…

Bessans et son patrimoine

Une des statues du 19ème siècle a été restaurée et fait désormais partie des collections du musée d’art et d’histoire d’Albertville.

Toutefois, sur le plan décoratif, à Bessans on admire aussi une grande croix de passion. Les croix de passion sont typiques des pays de Savoie et représentent l’ensemble du symbolisme rattaché à ce moment de la vie – ou plutôt de la mort – du Christ : le coq de la résurrection ou de la trahison selon les versions et tous les objets cités dans le nouveau testament : les fouets, la cape, les dés, l’épée, le voile de Véronique, les outils pour la crucifixion… le tout en bois polychrome.

On retient également la visite de la chapelle Saint-Antoine, qui domine le village. L’intérieur de cette église, bâtie en 1526, est recouvert de peintures murales représentant plusieurs passages de l’Evangile. On y remarque des curiosités comme ces représentations de Bessanaises qui font les foins : il était commun de peindre des scènes de vie locale dans l’art religieux. Et on peut souligner l’humour des artistes devant ces personnages qui se pincent le nez à la résurrection de Lazare… Le plafond à caissons de bois polychrome représente un ciel étoilé et symbolise le Paradis.

Architecture et .. gastronomie

Sur le plan architectural, on peut encore apercevoir de vieilles fermes d’époque avec un rez de chaussée qui était dans le temps réservé aux bêtes et à la famille, et un étage qui servait de grenier pour sécher les foins, ce qui permettait l’isolation contre le froid mordant de l’hiver. L’Erablo, musée de l’habitat traditionnel est visitable pendant la saison hivernale.

Enfin sur le plan gastronomique, il faut goûter au farci Bessanais qui n’est cuisiné que dans le village. Nulle part ailleurs. Il s’agit d’un farci composé de choux blancs, carottes, oignons, viande de porc et de veau, œufs et oignons, cuits dans des « tahyettes », qui sont des sortes de filets ou chaussettes en tissu.

Aller à Bessans se mérite

On y accède toute l’année en remontant la vallée de la Maurienne après Saint-Michel-de-Maurienne pour les visiteurs qui arrivent en train ou par l’autoroute, et par le Tunnel du Fréjus pour ceux qui arrivent du Piémont.

En été, on accède à la Maurienne également par le col du Mont-Cenis, ou par la magnifique route du Col de l’Iseran, le col routier le plus haut des Alpes qui réunit les deux vallées principales de la Savoie, la Maurienne et la Tarentaise et qui donne l’occasion de traverser un autre village très beau, Bonneval sur Arc.

Dans tous les cas, la route est longue, les paysages rappellent l’âpreté de la vie à la montagne. Toutefois, le village de Bessans est tellement authentique et tellement empreint d’Histoire qu’il vaut bien ce voyage au diable Vauvert !

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