En marge de la réunion ALCOTRA de Aymavilles, en Vallée d’Aoste, nous avons rencontré Laurence Boetti-Forestier: elle est une constante de la coopération transfrontalière. On la retrouve souvent dans les évènements franco-italiens. Cette interview est l’occasion pour mieux comprendre les personnes et les enjeux.
Vous êtes conseillère à la Région Sud, et vous vous occupez du transfrontalier
Je me retrouve à être le facilitateur pour lever les freins au niveau de la coopération transfrontalière dans certaines situations. Nous sommes un groupe d’élus, notamment au sein de la MOT [Mission opérationnelles transfrontalière], avec Laurence Navalesi. Ce sont très souvent des problèmes d’information, nous participons ensemble à la faire passer pour une meilleure coordination sur le territoire, par exemple sur les horaires de trains et les correspondances entre trains français et italiens.
A propos d’Interreg, un PITER c’est 6 millions d’euros [plan intégré territorial du programme Alcotra], il faut comprendre les enjeux et apporter des idées pour les projets simples [qui composent le PITER], comprendre la globalité de la situation et être une force de proposition pour le bassin vie et les citoyens.
LIRE AUSSI : Interreg Alcotra : les stratégies de six PITER approuvées pour 37,5 millions d’euros
Par exemple, pour le tunnel de Tende …
À Tende on est face à un grand problème, c’est une catastrophe pour la vallée de la Roya et celle de Vermenagna. C’est compliqué tant du point de vue juridique, qu’administratif ou financier.
C’est un fiasco économique, financier et juridique qui dure depuis 10 ans, qui isole et impacte un peu plus le développement économique et touristique de ce territoire frontalier qui relie trois états, la France, l’Italie et Monaco et trois régions de la Méditerranée aux Alpes.
J’attends beaucoup de la prochaine réunion du Comité frontalier du Traité du Quirinal qui doit se dérouler en juin à Nice, pour aborder l’ensemble de ces problématiques.
Ce qui concerne également la ligne ferroviaire
La ligne ferroviaire Nice-Breil sera fermée pour des travaux pendants 16 mois, à partir de septembre prochain. Les commerçants et les associations essayent de trouver des solutions, et nous on les accompagne au niveau de la saison touristique et de l’économie locale avec les outils du Comité régional du tourisme.
On propose ensemble d’ajouter un couple de trains entre Tende et Vintimille-Nice, pour pallier l’absence du train touristique des Merveilles. Entre autres, on a pris un premier contact par exemple avec « Treni Turistici » la nouvelle société de Trenitalia, pour voir s’il est possible de renforcer cette liaison. Ce serait de compensation pour le manque du service sur l’autre tronçon. Il s’agit d’ailleurs de compétences régionales, à la Région Sud mais aussi au Piémont et en Ligurie : on peut agir ensemble.
LIRE AUSSI : Un nouveau train de nuit de la Côte d’Azur entre Milan, Sanremo, Nice et Marseille ?
Vous avez un nouveau cadre qui vous est offert par le Traité du Quirinal
Je ne vois pas encore sur le terrain le vrai bénéfice du Traité. La mise en place de projet de GECT par la CARF [Communauté d’agglomération de la Riviera française] a permis aux communes de se rencontrer. Par exemple en juin dernier, à Sciences Po à Menton, on a rencontré la Commune voisine de Vintimille, pour échanger plus souvent.
On a donc progressé
Oui, c’est bien, on est dans les bonnes intentions, on envisage un cadre pour coopérer. Toutefois, il faut faire remonter des propositions d’en bas, autrement les populations ne verront pas le bénéfice.
Sur le bassin de vie transfrontalier, entre Menton, Monaco, la vallée de la Roya, Vintimille et communes voisines il y a des travailleurs transfrontaliers. Il faudrait donc avoir de l’information transfrontalière sur les transports, ce qui aurait un effet sur le quotidien des gens, comme il est le cas dans d’autres frontières, comme sur le France-Allemagne. Ce qui parle au quotidien des gens c’est l’information, de la billettique transfrontalière, un pass transfrontalier des trains …
D’ailleurs le thème du transport ferroviaire est important
Il y a encore un problème d’intégration entre les sociétés ferroviaires. Je sais, nous sommes au 4ème paquet ferroviaire de la législation européenne, mais il y a encore trop d’obstacles.
Pour pallier la fermeture de 16 mois de la ligne entre Breil et Nice, nous avons évalué aussi de d’utiliser la ligne Breil-Vintimille-Nice avec les trains qui seront à l’arrêt. Et bien, un train français qui ferait la descente de Tende et Breil vers Vintimille ne serait pas possible, puisque on me dit qu’à qu’en gare d’Airole il y a un système de régulation et sécurité à adapter.
Surmonter cet obstacle technique couterait 80 000 euros : c’est donc faisable. Il faut donc faire remonter la problématique dans le processus décisionnel et financier. On pourrait le soutenir par le programme Alcotra, dans les quelques 6 millions d’euros de la stratégie du PITER ou dans un projet simple.
Nous avons besoins d’intégrer nos transports sur le plan transfrontalier : il faut lever les obstacles, techniques et financiers.
Le programme Interreg et le Traité peuvent aider
Il faut avoir une ambition transfrontalière importante. Quand on regarde en face les enjeux on comprend que nous nous limitons à des petites choses.
Nous devons répondre aux problèmes des gens, à leurs préoccupations du quotidien : faire un billet unique de transport transfrontalier, dire dans les deux langues quelles cartes sont acceptées, où acheter les billets, expliquer les horaires, utiliser les plateformes compréhensibles et faciles.
La conclusion est toujours le même besoin de coordination, d’information sur ce territoire transfrontalier pour répondre aux besoins des habitants afin d’améliorer leur vie en matière de transports, de mobilité, de santé, de travail.