Le colloque du 18 avril à Rome, intitulée Le bassin de vie transfrontalier : l’intégration européenne entre l’Italie et la France, a suscité beaucoup d’intérêt et de satisfaction parmi les participants et les auditeurs éloignés, et a mis en lumière des pistes de travail et de nouvelles questions. La conférence a été organisée par l’ISSIRFA – CNR en collaboration avec le laboratoire DITER de l’Université de Nice Côte d’Azur.

D’abord, la notion de bassin versant transfrontalier est désormais un concept acquis, grâce à cette rencontre et à certains points de clarté qui ont été produits. Les définitions actuelles, qui ont également émergés dans les discours, sont proches de la définition classique de la DATAR, qui se trouve ainsi plutôt confirmée : un territoire cohérent géographiquement, socialement, culturellement et économiquement, exprimant des besoins homogènes en termes d’activités et de services.

Le bassin de vie

Il est donc clair que le bassin de vie peut transcender les frontières administratives. Ne serait-ce que pour rester en Italie, c’est ce que veut faire la Stratégie pour les zones intérieures, même si, pour des raisons de gestion, les périmètres finissent parfois par coïncider avec des entités intercommunales existantes. Les Groupes d’Action Locale de Développement Rural européen eux-mêmes réunissent souvent des zones intercommunales à cheval sur des frontières administratives, comme c’est le cas pour le GAL Escartons e Valli Valdesi.

C’est d’ailleurs pour cela que l’on parle de bassin transfrontalier: pour introduire un concept qui permet d’appréhender les besoins communs – et la production d’initiatives et de projets – sans modifier la limite marquée par la frontière intérieure entre deux ou plusieurs Etats membres. Les interventions ont été nombreuses sur ce point, avec une bonne présence académique. Entre autres, Philippe Weckel a fait une présentation intéressante, qui faisait référence à son travail récent sur les bassins de vie appliqués aux Alpes occidentales du Sud.

Exercices de volonté et de coopération

Un deuxième point à retenir de la conférence de Rome est la volonté exprimée de poursuivre la coopération. Des expériences récentes de construction de coopérations stables ont été relatées, avec engagement et participation, du GECT Riviera promu par la Communauté d’agglomération de la Riviéra française (CARF) avec plusieurs communes italiennes, à l’alliance transfrontalière entre la ville et la métropole Nice Côte d’Azur, la commune et la province d’Imperia et la province de Cuneo : Laurence Navalesi, entre autres, s’est exprimée à ce sujet.

Le maire de Modane Jean-Claude Raffin a présenté la nouvelle organisation plus stable de la Conférence Transfrontalière Alte Valli (CHAV), qui a su se constituer en association et se doter d’un accompagnateur pour des actions communes, ou le futur GECT de l’Espace Mont-Blanc, indiqué par le Traité du Quirinal et dont un premier texte a déjà été soumis à l’examen entre 2022 et 2023.

A noter la bonne présence des représentants des administrations centrales italiennes, des Affaires régionales et du ministère des Affaires étrangères, qui ont établi un bon rapport de coopération et de soutien scientifique avec le CNR ISSIRFA, dirigé par Giulio Salerno, qui travaille également, comme mentionné plus haut, en collaboration avec le laboratoire DITER – de l’Université de Nice Côte d’Azur. Enfin, la présence et les interventions des référents de l’article 10 du Traité du Quirinal consacré à la coopération transfrontalière, les Ambassadeurs Philippe Voiry et Andrea Cavallari, ont confirmé le bon niveau de dialogue orienté vers l’examen et la prise en charge des différents thèmes, avec une relative évolution des outils conceptuels utilisés.

Les pistes à suivre

Globalement, le colloque a donc permis des avancées qui permettent d’explorer de nouvelles pistes de travail. D’autre part, la boîte à outils de la coopération transfrontalière existe depuis plusieurs années, et elle est régulièrement mise à jour. On y trouve encore des expressions un peu anciennes, comme la rhétorique des« peuples cousins » ou une certaine difficulté à considérer les territoires dans leur globalité, en surestimant ou en sous-estimant les différences selon les cas.

Les systèmes de santé mutuels – entre les ASL et les Agences régionales de la Santé en France – sont désormais bien compris. Cependant, l’urgence de certains services d’intérêt public transfrontaliers – par exemple, pour réduire les amendes lorsqu’un radar est installé sur une route de liaison franco-italienne – qui sont en place à d’autres frontières intérieures de l’UE n’est toujours pas perçue.

Ainsi, l’intervention de Jean Peyrony, chef de la Mission opérationnelle transfrontalière, a été éclairante et utile, mentionnant également le travail du Centre commun de recherche et les B-Solutions promues par la Commission européenne avec l’Association des régions frontalières européennes(ARFE).

Des progrès sont réalisés sur la base commune de la législation européenne

En d’autres termes, la lecture du transfrontalier peut être intégrée dans le système de lois qui concernent l’Union dans son ensemble et qui ont concrètement permis une circulation plus facile dans les bassins de vie transfrontaliers : la monnaie unique, le virement bancaire européen avec les mêmes coûts et les mêmes délais, la circulation des biens, des services.

Parmi les pistes de travail, on peut voir l’opportunité de relier ce qui se passe au niveau européen puis national avec le niveau local-régional des projets. Par exemple, le 11 avril dernier est entré en vigueur l’Interoperable Europe Act sur l’interopérabilité et l’échange transfrontalier de données, qui concerne tous les Etats membres et pas seulement les zones frontalières, tandis que le projet financé par le programme Interreg Alcotra Observ’Alp se poursuit en parallèle, précisément sur l’échange intercommunal de données.

Sur le plan de la réflexion théorique, la dimension générale de l’intégration européenne, qui revient d’ailleurs dans le sous-titre de la conférence de Rome, est également un moteur essentiel de la réflexion locale et frontalière.

Pour les infrastructures de transport et de voisinage frontalier, du Mont-Blanc au Fréjus à Tende par exemple, le thème de la défense commune et de leur bon fonctionnement dans une économie de « guerre » devra sans doute bientôt être introduit, ne serait-ce qu’en ce qui concerne le doublement des tunnels et l’achèvement des travaux de réparation et de protection.

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Directeur de Nos Alpes, journaliste. Il a collaboré avec des magazines et des journaux italiens, de Il Mulino à Limes, de Formiche à Start Magazine.

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