Saint Bernard est considéré le protecteur des voyageurs, des alpinistes, des habitants des montagnes et de tous ceux qui pour une raison ou une autre sont amenés à franchir les Alpes. À la saison de la réouverture des Cols du Petit et du Grand-Saint-Bernard, nous vous proposons d’aller à la découverte des traces laissés par ce religieux du XI siècle.
Saint Bernard dans les Alpes, histoire ou légende ?
Saint Bernard a réellement existé et vécu dans les Alpes. Il était l’archidiacre d’Aoste, où il a toujours vécu et prêché pour convertir et évangéliser les populations, autour du milieu du XI siècle.
Mais là où l’histoire et la légende se mêlent, c’est sur son parcours de vie. En effet, il n’y a aucune biographie officielle écrite par ses contemporains même s’il y a un résume de la vie d’un certain Bernard, canonisé six siècles après la mort, écrite par un soi-disant successeur, Richard de Valdisère, dont les textes sont connus comme la « Richardine ». On y apprend que le Saint provenait d’une famille noble originaire des rives du lac d’Annecy, plus précisément de la famille de Menthon, et que c’est à ce moment qu’il prend le nom de Saint Bernard de Menthon.
Aujourd’hui, l’Eglise le nomme plutôt Saint Bernard d’Aoste ou Saint Bernard des Alpes, et plus de cinquante églises et chapelles en Savoie, Haute-Savoie et Vallée d’Aoste portent son nom. On raconte également de la construction des hospices du mont Joux et de Colonne Joux, initialement placés sous la protection de Saint Nicolas et plus tard connus sous les noms de Grand-Saint-Bernard et Petit-Saint-Bernard, celui-ci apparemment reconstruit plus tard.
Et parfois on fait une certaine confusion dans les textes avec un autre Bernard, celui de Clairvaux, né après la mort de notre Saint Bernard des Alpes et promoteur de l’ordre cistercien, connu pour son prêche avant la seconde croisade qui passait par le Col de Mont-Joux pour se rendre à Rome lors des conciles.
Le Château de Menthon-Saint-Bernard
C’est dans le Château qui se situe aujourd’hui dans la localité de Menthon-Saint-Bernard, que Bernard aurait grandi dans les fastes de la noblesse avant d’entreprendre des études religieuses. C’est ainsi que le revendique la famille de Menthon propriétaire des lieux et c’est ce qui est décrit dans la « Richardine ».
Ce bâtiment se dresse sur un piton rocheux qui domine l’étendue bien bleue du Lac d’Annecy. Son aspect médiéval, restauré au XIX siècle en s’inspirant de l’architecture néogothique, se manifeste par ses toits pointus en forte pente et ses tourelles qui se dressent vers le ciel comme des aiguilles, en lui donnant ainsi des allures de conte de fées. On dit même qu’il aurait inspiré Walt Disney pour ses dessins du château de la Belle au Bois Dormant, tout comme celui-de Neuschwanstein en Bavière.
D’ailleurs, la famille de Menthon, dont serait issu Saint Bernard des Alpes au XI siècle, possède toujours les lieux, qui sont néanmoins ouverts d’avril à mi-novembre à la visite. On y admire plusieurs pièces aménagées et meublées, les cuisines en parfait état, une bibliothèque très fournie, abritant secrètement une édition complète de l’Encyclopédie de Diderot. En été on peut assister à des visites guidées animées par des comédiens en costume d’époque pour une immersion plus complète.
Le Col du Grand-Saint-Bernard
À l’époque les conditions hivernales étaient telles qu’emprunter le Col du Grand-Saint-Bernard, lieu de passage important au Moyen-Âge sur la route de Rome entre le Valais et la Vallée d’Aoste, était extrêmement risqué. Saint Bernard, archidiacre d’Aoste, était responsable de sécuriser le trajet des pèlerins dans les Alpes, donc il décida de fonder un hospice sur la Via Francigena ; il était une sorte de refuge où se reposer et s’abriter des intempéries et des brigands sous la protection de Dieu. Il réussit à convaincre l’évêque d’Aoste à renoncer à restaurer l’ancien hospice à Bourg-Saint-Pierre, au pied du col côté Valaisan, et prévoir plutôt d’en construire un nouveau du côté valdôtain.
Il fallut néanmoins consacrer les lieux avant et enlever tout signe païen, tels que la statue de Jupiter qui trônait sur ce mont, connu comme le Mont Jovis (Mont de Jupiter ou plus tard Mont Joux) depuis le temps des Romains. Selon la légende, au moment de la faire tomber de son socle apparut le Diable, que Bernard combattit et vainquit ; depuis cet épisode le Saint est représenté en compagnie d’un diable enchaîné à ses pieds et, sur ce même socle, on trouve aujourd’hui son statue.
L’évêque d’Aoste décida néanmoins de donner la garde de cet endroit à l’évêque de Sion, ce qui explique que le Col est aujourd’hui en Suisse et la frontière se trouve un peu plus loin côté italien. De nos jours on y peut visiter l’hospice, qui en manque de clé pour fermer la porte est toujours ouvert, et l’église la plus haute d’Europe, perchée à 2 469 mètres d’altitude ; film retraçant l’histoire de l’hospice et un musée du trésor complètent la visite, enrichie même d’un espace aménagé pour recevoir les chiens Saint Bernard.
Le Col du Petit-Saint-Bernard
Le Col du Petit-Saint-Bernard était également une des voies principales de la traversée des Alpes d’Ouest en Est car les routes qui remontaient la Vallée de la Tarentaise débouchaient à son niveau et redescendaient vers la Vallée d’Aoste.
C’était Jules César qui en l’an 45 avant Jésus Christ ordonna la construction de l’Alpis Graia entre Milan et Vienne (au sud de Lyon). Au niveau du Col, par contre, on fit construire une « mansio » (un refuge) et une colonne avec une statue de Jupiter, d’où son nom originel de Col de Colonne-Joux ; il se pourrait que les troupes d’Hannibal soient passées d’ici pour attaquer Rome, mais les historiens n’ont pas encore de certitude .
Saint Bernard, dans le même élan de protection des voyageurs empruntant le Col, décida de créer un hospice du côté valdôtain. Celui-ci étant détruit, c’est sur le sol aujourd’hui français qu’une autre structure fut édifiée et ensuite restaurée et modernisée vers la fin des année 1990, avec le soutien du programme Interreg et la participation des communes concernées. Ces bâtiments, avec la grande statue de Saint Bernard qui veille sur les voyageurs, ne sont visibles en hiver que par les skieurs qui descendent les pistes entre La Rosière et La Thuile ; en été un jardin alpin permet d’observer et étudier la flore alpine, le « Chanousia » du nom de l’abbé Chanoux, gardien de l’hospice et de sa chapelle au XIX siècle, dont on peut voir la statue au passage du Col.
Les chiens Saint-Bernard dans les Alpes : quel rapport avec le Saint ?
Tout le monde connait la gentillesse et la physionomie de ces gros chiens que l’on appelle les « Saint Bernard », qui étaient appréciés pour la compagnie, la protection et quelques tâches de la vie quotidienne. À l’origine des mastiffs alpins, ils ont été offerts au XVIII siècle par des familles valaisannes et vaudoises aux chanoines qui gardaient le Col du Grand-Saint-Bernard.
Ce n’est qu’en 1800, lors du passage des troupes Napoléoniennes qui traversaient le Col en préparation de la Campagne d’Italie, que ceux-ci furent amenés à devenir de braves et courageux sauveteurs de soldats perdus dans la neige et sous les avalanches. C’est ainsi que leur réputation commença, que la sélection des meilleurs animaux donna naissance à la race actuelle et que donc le Col et non pas le Saint leur donna leurs nom.
Ces gros chiens, d’un poids de 80 à 100 kilos, furent utilisés sur tous les cols d’altitude, frontaliers ou pas, et possédés même par le chanoine Chanoux. Ils sont capables de repérer un être humain six mètres sous la neige et ont un très bon sens de l’orientation ; de plus ils ressentent l’imminence des avalanches, ce qui en fait d’excellents alliés pour le secours en montagne. On peut visiter leur élevage à proximité immédiate de l’hospice du Col du Grand-Saint-Bernard.
Et le fameux tonnelet d’eau de vie à leur cou ? Personne ne sait s’il s’agit d’une réalité ou d’une publicité et, même si ni la tradition orale ni les descriptions plus savantes n’arrivent à trouver un point d’accord, l’image du réconfort reste belle.
Saint Bernard dans les Alpes
Saint Bernard est donc une figure majeure des Alpes. Protecteur des voyageurs transfrontaliers, par sa volonté de construire des hospices d’altitude, il devint protecteur des alpinistes et des habitants de montagne en 1923 et même protecteur des troupes alpines de l’Armée Française depuis le 15 juin 1993, jour de son enterrement à Novare en 1081 et où l’on fête.
Des statues le représentant sont visibles dans plusieurs églises de nos régions alpines et deux grands Cols majeurs traversés chaque année par des milliers de voitures, de motos et de vélos portent son nom ; une rue centrale de la ville d’Aoste jouxtant la cathédrale est également baptisée comme lui.
De nombreuses reliques sont dispersées dans les territoires alpins : on retrouve ses dents au château de Menthon, à l’hospice du Col du Grand Saint Bernard, ses os à Turin, Aoste et Casale et une côte à Saint-Maurice-d’Agaune, dans le Valais.
Un saint transfrontalier de son vivant comme après sa mort.
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