Vizille est une petite ville proche de Grenoble, dans l’Isère. Une toute petite ville, une ville de passage. Sur une voie romaine d’abord, sur la Route Napoléon ensuite. Des voies empruntées par de grands hommes, des conquérants.
Et on peut dire qu’une idée germée et mise en œuvre ici a justement contribué aussi à changer notre monde occidental. Car c’est ici que la Révolution française s’est mise en marche, c’est ici que le Royaume de France a commencé à vaciller.
Vizille, le berceau de la Révolution française
Nous sommes le 7 juin 1788. La population est descendue dans la rue et a affronté l’armée du Roi en lançant des tuiles contre les soldats. La « Journée des tuiles », une journée d’émeutes, répond à la volonté du pouvoir central de renforcer la centralisation, d’abolir les particularismes et ainsi affaiblir les notables locaux. C’est la fin du pouvoir des parlements provinciaux.
Le Parlement du Dauphiné, siégeant à Grenoble, était apprécié des petites gens car il les défendait contre les décisions parfois absurdes venant d’un cabinet parisien. Et là, il était question de dissoudre ce Parlement… Il vaut encore mieux que les puissants soient à portée de main, pense le peuple.
Une semaine plus tard, une assemblée composée de religieux, nobles et membres du Tiers Etat se réunit pour mûrir une motion commune à adresser au Roi et pour demander la convocation des États Généraux du Dauphiné. Une nouvelle réunion a lieu le 2 juillet et enfin la plus grande est prévue pour le 21 juillet 1788 dans la grande salle du Jeu de Paume du Château de Vizille de l’industriel Claude Perier.
Vizille, le 21 juillet 1789, une date qui rentre dans l’histoire. La province du Dauphiné est la première à s’opposer à une volonté du pouvoir royal, à forcer la main du Roi et en l’obligeant à réunir les États Généraux de la province du Dauphiné d’abord et du Royaume ensuite. Les premiers ont lieu le 10 septembre 1788 et les seconds à partir du mois de mai 1789.
Ce processus aboutira à une première révolution, la transformation de l’État en une monarchie constitutionnelle, dès le mois de juin. La suite, tout le monde la connait, c’est la prise de la Bastille, un mois plus tard, et le début de la Révolution française.
Le Château de Vizille, un lieu marqué par l’histoire
C’est donc au salon du Jeu de paume du Château de Vizille que la grande assemblée dauphinoise a demandé au Roi de convoquer les États généraux en précipitant ainsi et involontairement le sort de la Monarchie absolue française.
Mais celui-ci, qui appartenait à un industriel Grenoblois, Claude Périer, a eu auparavant un autre célèbre propriétaire, qui a laissé sa trace dans les Alpes.
En 1593, un certain François de Bonne, âgé d’une cinquantaine d’année, achète les terres qui constituent aujourd’hui le grand parc et y fait construire une demeure. Celle-ci ainsi que le parc seront agrandis au fils des décennies. Nous parlons du futur Duc de Lesdiguières, gouverneur du Dauphiné et compagnon d’armes d’Henri IV.
Protestant, né dans le Champsaur, près de Gap, il mène les révoltes protestantes pendant la deuxième moitié du XVI siècle et se fait remarquer par Henri III. Il a prouvé son autorité sur le Dauphiné et Henri IV, son successeur, lui demande de replacer cette province dans le giron du Royaume de France en le défendant de la ligue catholique menée par le Duc de Savoie.
C’est là que sa croisade commence. Il prend Grenoble, puis Vizille, ensuite remonte vers la Savoie et guerroie pendant une dizaine d’années contre le Duc de Savoie en prenant Pontcharra d’abord et ensuite Conflans et Montmélian pendant la guerre franco-savoyarde en 1600.
Il deviendra Gouverneur du Dauphiné en 1612.
Il laisse à la postérité le Château de Vizille, le Pont de Lesdiguières à Pont de Claix sur le Fleuve Drac, avec son unique arche de 46 mètres ; à Grenoble, la Caserne de Bonne, aujourd’hui centre commercial et résidentiel, et l’Hôtel Lesdiguières, site de la mairie de la ville jusqu’en 1967, ensuite bâtiment abritant plusieurs administrations.
Le Duc de Lesdiguières a contribué à dessiner des frontières stables pour le Royaume de France face à son adversaire Savoyard, mais il a également légué ce qui presque deux siècles plus tard sera le point de départ de la fin de ce même Royaume.
Que visiter au Château de Vizille
En vue des célébrations du bicentenaire de la Révolution française du 1989, le Musée de la Révolution française a vu le jour dans le Château de Vizille et a été inauguré dès 1983.
Les œuvres d’art, peintures, sculptures et objets, les documents, les symboles et les armes qui sont présentés dans le musée témoignent de cette époque fondamentale de l’histoire de France. Le regard qui est porté par les collections apporte un éclairage critique, éloigné des clichés et des croyances populaires, et il se veut plus fidèle aux événements historiques et sociétaux de cette époque.
Le musée est gratuit et ouvert tous les jours de la semaine sauf le mardi, le 1er Mai et la semaine entre Noël et le jour de l’An. Les informations pratiques sont consultables sur le site du Domaine de Vizille.
Le parc
Si la richesse de ses collections vaut le détour, ainsi que l’architecture même du château qui rappelle la grandeur des Châteaux de la Loire, il ne faut pas délaisser le grand parc.
Dans ce domaine très vaste dans lequel on retrouve un Grand Canal, voulu par le Duc de Lesdiguières lui-même, un étang, des forêts, une roseraie et des pelouses, les Grenoblois et les touristes viennent rechercher la fraîcheur en été et le romantisme des jardins à la française dans les autres saisons en compagnie d’animaux comme les cygnes, les oies, les hérons et même des daims.
Ouvert au public gratuitement, le Parc de Vizille offre un moment de pause à quelques kilomètres du tumulte de la métropole de Grenoble. Selon les lignes de bus il faut compter entre 40 minutes et une heure pour rallier les deux villes.
Dans le centre-ville de Vizille, on ne fera pas l’impasse sur ce qui reste de l’ancien prieuré et de son magnifique portail du XII siècle, patrimoine de l’art médiéval du Dauphiné.
Que voir dans les alentours de Vizille ?
À moins d’une dizaine de kilomètres de Vizille, la station thermale d’Uriage accueille les visiteurs pour un moment de détente ou pour une cure de quelques jours. Niché au fond d’un vallon très boisé, rafraîchi par des pelouses bien vertes qui prolongent un grand green de Golf, le village d’Uriage est célèbre, depuis le temps des Romains, pour son eau thermale sulfurée, chlorurée et sodique.
Les sportifs apprécieront la proximité des stations de ski. En effet Vizille est un passage obligé entre Grenoble et les stations de ski de l’Oisans comme l’Alpe d’Huez et les Deux Alpes mais aussi et surtout de Chamrousse. Celle-ci est une station de montagne composée de plusieurs quartiers entre 1600 et 1800 mètres d’altitude qui dominent la cuvette de Grenoble.
Plus au sud, le Plateau de la Matheysine et ses lacs à l’allure canadienne ont vu traverser Napoléon lors de son retour de l’Île d’Elbe vers Paris en 1815. Les amateurs d’histoire Napoléonienne retrouveront avec plaisir une grande statue de l’Empereur à cheval dans la Prairie de la Rencontre.
À cet endroit précis, le 7 mars 1815, les soldats envoyés par Louis XVIII pour arrêter l’ancien Empereur lui font face. D’un ton solennel, comme s’il passait en revue les troupes, Napoléon leur demande d’abord de le reconnaître comme leur Empereur. Ensuite il les incite à le tuer si c’est ce qu’ils ont à faire (« s’il en est un parmi vous qui veuille tuer son Empereur me voici »). Les soldats posent leurs armes et entourent leur Empereur en pleurant de joie de le voir de retour.
En à peine dix kilomètres, on peut visiter deux hauts lieux de l’histoire de France. Là où le pouvoir royal capitulait devant une province en colère et là où le pouvoir militaire royal capitulait devant l’aura de l’Empereur.
Enfin, on n’oubliera pas que Vizille se trouve à seulement quelques kilomètres de Grenoble, capitale du Dauphiné. Dans cette grande ville en transformation permanente, au caractère frondeur et décalé, le visiteur découvrira les monuments du centre-ville, des œuvres d’art architecturales contemporaines, un ancien quartier médiéval aux rues commerçantes piétonnes, les rives de l’Isère et ses restaurants et le fort de la Bastille qui domine la ville et offre une vue qui s’étend jusqu’au sommet du Mont-Blanc.
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