La visite de Mont-Dauphin est intéressante car c’est un lieu où se croisent des événements passés et des thèmes contemporains.

D’une part, il y a l’histoire de l’invasion du Dauphiné par la Maison de Savoie, qui a conduit à la destruction de Gap : un petit État alpin contre le Royaume de France.

D’autre part, il y a l’expérience de Vauban, qui a créé non seulement une forteresse défensive, mais aussi une « ville nouvelle » avec une vie civile et militaire en même temps. Aujourd’hui encore, ce sont deux dimensions qui coexistent, dans un nouveau projet d’urbanisation qui, comme d’autres, y compris contemporains, n’a jamais réussi à atteindre ses objectifs initiaux de population et de développement.

Enfin, il y a un panorama extraordinaire qui mérite à lui seul une visite.

Le village et la ville fortifiée de Mont-Dauphin (c) CC BY SA 3.0 Mossot Wikimedia Commons

La ville fortifiée

Mont-Dauphin est avant tout une fortification, ordonnée par Louis XIV pour protéger Gap, Sisteron, Embrun, de la Maison de Savoie qui régnait sur un ensemble de territoires à cheval sur les Alpes. Les Savoie, installés à Turin et fortement enracinés à Chambéry, avec Amadeus II, dans le cadre de la Ligue d’Auguste contre Louis XIV, en 1692 avaient envahi le Dauphiné avec 40 000 hommes.

Entre les deux, les équilibres européens, la volonté de se libérer des pressions du roi de France, les révoltes protestantes qui ressurgissent depuis quelques années entre la Provence et les Alpes du Sud. L’armée savoyarde arrive jusqu’à Gap, avec quelques incursions à Sisteron, et au cours des combats, la ville est presque entièrement détruite.

L’année suivante, Vauban est envoyé pour préparer une fortification contre le risque d’une nouvelle invasion savoyarde. Les travaux dans leurs grandes lignes sont achevés en quelques années.

Le projet de ville nouvelle fortifiée

Mont-Dauphin est inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 2008. C’est une ville nouvelle, et non une simple forteresse, l’une des neuf villes fortifiées de Vauban.

Elle comporte une dimension militaire, pour l’implantation, l’armement, les casernes, le ravitaillement, et une partie urbanistique. En effet, dans la ville nouvelle de Vauban, il y a de la place pour des logements, des écuries, des magasins, le bâtiment du gouverneur et des bâtiments de service. L’idée est d’alléger la vie militaire en la combinant avec la vie civile afin d’améliorer les capacités physiques des troupes, d’endiguer les maladies, de favoriser de meilleures conditions de vie et de réduire les désertions.

Les civils et les familles sont incités par des aides financières à s’installer dans cette ville fortifiée, qui présentait de toute façon une image moins rassurante que les villes et villages ordinaires, en raison d’une plus grande concentration d’hommes et de conditions de vie plus difficiles. Vauban avait prévu une population de 2 000 habitants, mais le maximum est atteint en 1850, avec 400 habitants.

Achevé en grande partie dans ses parties militaires dès 1700, le fort carré perd également son rôle originel en 1713. En effet, avec le traité d’Utrecht de cette année-là, la frontière avec les territoires de la Maison de Savoie est déplacée jusqu’à Briançon. Mont-Dauphin passe en deuxième ligne et d’autres forteresses doivent être construites.

L’atmosphère

La promenade à Mont-Dauphin est intéressante pour le paysage, les bâtiments historiques et l’environnement local. Le lieu reste une ville nouvelle inachevée, qui cherche encore sa voie de développement. Malgré son importance patrimoniale, elle a besoin d’activités et de population, les habitants étant aujourd’hui au nombre de 170 environ.

Une partie de la caserne Campana, où se trouvent des bureaux publics, est aujourd’hui utilisée comme atelier par des artistes et des artisans. Le long de la rue principale, certains restaurants sont gérés par des familles, sans faste ni signes de surtourisme. Dans les cours intérieures, où l’on sert le café, on trouve des jeux pour enfants, et quelqu’un peut passer arroser les géraniums.

L’un des bâtiments de la rue principale est un lieu de résidence et de villégiature réservé à l’armée. D’autres bâtiments historiques servent de colonies d’enfants ou sont restaurés par France Relance, le programme européen après-covid visant à relancer les économies du continent. La ville propose diverses activités aux touristes, des visites guidées aux jeux en passant par les promenades dans le jardin bordé d’arbres.

La caserne Campana et le Pavillon des Officiers, l’arsenal, l’église

La caserne Campana, située à gauche après l’entrée principale de la porte de Briançon, abrite des bâtiments publics et des ateliers d’artisans et d’artistes. Son intérêt réside également dans son architecture, avec une volonté de créer des espaces de vie plus confortables et mieux équipés. Il est intéressant de poursuivre un peu plus loin pour accéder au point d’observation sur les murailles, qui montre la hauteur sur la voie d’eau et la protection offerte par la nature à la plate-forme défensive. De l’autre côté de la porte de Briançon, le bâtiment des officiers, le Pavillon des Officiers, mérite également le détour. Il abrite aujourd’hui un hôtel et se visite en partie.

Caserma Campana partiellement occupée par des magasins et des ateliers d’artistes (c) CC BY SA Wikimedia Commons

L’arsenal et la poudrière étaient d’une taille et d’une importance considérables pour l’époque. Le véritable événement dans ce complexe fortifié s’est produit pendant la Seconde Guerre mondiale, avec un bombardement italien en 1940 qui a détruit une partie de l’arsenal.

L’église est également très particulière. Elle est l’exemple physique du développement interrompu de la ville de Vauban. Elle était prévue sur un plan beaucoup plus vaste, dont seule une partie a été réalisée, avec l’abside, un début de corps central et le clocher. L’aperçu est remarquable, il donne une idée de toutes les difficultés que l’édifice a rencontrées à travers la Révolution (quand la ville s’appelait Mont-Lion), les incendies, les tentatives d’agrandissement et de restauration d’urgence, et surtout le manque de moyens.

L’église inachevée de Mont-Dauphin, avec les voitures garées à côté (c) Nos Alpes Enrico Martial

La caserma di Rochambeau e la volta di Philibert de l’Orme

La grande caserne Rochambeau se distingue par son escalier d’accès et ses combles. La structure est construite avec des petits bois, d’un maximum d’environ 120 cm, créant une structure voûtée sans pilier central. C’est à Philibert de l’Orme (ou Delorme) que l’on doit cette solution technique qui a permis de pallier la rareté des gros bois et d’économiser de l’argent. L’espace ainsi créé crée une ambiance particulière, et est proposé aussi bien pour des visites que pour des expositions et des présentations.

La scalinata recuperata con France Relance alla Caserma Rochambeau (c) Nos Alpes Enrico Martial

Le point d’observation situé à côté du bâtiment et de la Porte d’Embrun offre des vues spectaculaires et transmet l’idée du contrôle que le fort exerçait sur l’accès au territoire.

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Directeur de Nos Alpes, journaliste. Il a collaboré avec des magazines et des journaux italiens, de Il Mulino à Limes, de Formiche à Start Magazine.

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