Sallanches est une jolie petite ville qui s’étire paisiblement dans la vallée de l’Arve, cette rivière dont les sources se trouvent à l’extrémité de la vallée de Chamonix. Sallanches occupe un site extraordinaire au pied du massif du Mont Blanc.
Il n’y a pas une rue dans la ville qui ne permette de voir la silhouette du plus haut sommet des Alpes. Mais c’est depuis la place principale que la vue du géant couvert de glaces est la plus somptueuse. Il s’agit de la Place Charles-Albert. Et Charles Albert est le roi qui fit reconstruire Sallanches.
Le grand incendie qui détruisit Sallanches

C’était le 19 avril 1840. Sallanches était une commune située dans les pays de Savoie qui appartenaient au Royaume de Sardaigne. Un paisible commune qui se réveillait pour célébrer le jour de Pâques. Il faisait beau ce jour-là à Sallanches.
Le printemps était radieux. Tout avait bien commencé. Au milieu de l’après-midi, les cloches de l’église Saint-Jacques appelèrent les fidèles. Petit à petit les maisons en bois de la ville se vidèrent de leurs habitants. L’église était comble pour la messe. Une petite bise, ce vent du nord frais et bien tendu s’était levé.
Juste après la messe, l’alarme résonna. Les sirènes crièrent dans le ciel, le tocsin résonna pour alerter la population. Une colonne de fumée s’élevait au centre de la ville.
C’était près du Pont Saint-Eloi. Un incendie avait éclaté dans la maison d’un perruquier. Le vent s’était renforcé et il propageait les flammes à l’ensemble des maisons.
On eut beau déverser des quantités énormes d’eau sur les façades et les toits, les maisons comme les grands bâtiments, notamment l’Hôtel Belle-Vue, furent réduits en cendres en seulement trois heures. 268 maisons sur 273 disparurent en une après-midi. La nuit survint et engloutit les survivants dans le chagrin d’avoir tout perdu : leur toit et souvent des êtres chers.
La collégiale Saint-Jacques, se tenait encore debout, bien que sévèrement endommagée. Le château des Rubins, un peu à l’écart, et en hauteur, fut épargné. Le reste fut rayé de la carte.
La réaction immédiate de Charles Albert, roi de Sardaigne
La nouvelle du désastre se répandit rapidement, suscitant une vague de solidarité sans précédent. Les communes voisines, les villes voisines, les croyants dans les églises… tous furent mis à contribution. Il fallait aider les habitants de Sallanches à se relever.
Le roi de Sardaigne lui-même, Charles-Albert de Savoie-Carignan, fut profondément attristé par la tragédie. Il décida immédiatement d’allouer des fonds exceptionnels pour la reconstruction de Sallanches.
Un ingénieur fut dépêché sur place pour établir un projet de reconstruction. C’était François Justin. Celui-ci conçut le nouveau plan urbain. Il opta pour un agencement en damier caractéristique du style néoclassique sarde. On retrouve ce type de plan urbain, encore aujourd’hui, dans la plupart des villes du Royaume, qui ont été façonnées par les architectes de la Maison de Savoie : Turin, Côni et Albertville par exemple, mais aussi Aoste où la rénovation urbaine a suivi les anciens plans romains qui ont été gardés pendant le Moyen Âge.
Les travaux furent engagés rapidement et en à peine six ans, la nouvelle ville fut complétée. Tel un phénix, Sallanches renaquit de ses cendres.

De grands bâtiments en pierre virent le jour. Les façades symétriques, à balcons, et les toits en ardoise, remplacèrent les anciennes maisons en bois. L’Hôtel de Ville, construit entre 1844 et 1846, devint le symbole de cette renaissance architecturale. Sa façade imposante, ornée d’arcades, de pilastres et d’un fronton central, illustre parfaitement le style néoclassique sarde de l’époque. Sallanches devenait ainsi une petite Turin (toute petite !).
Promenade dans la ville reconstruite

La promenade dans la ville peut commencer sur cette fameuse place Charles-Albert. C’est une large place très ensoleillée. De jolis petits espaces de verdure invitent le passant à faire une pause. La place a beaucoup changé depuis l’époque où l’ingénieur François Justin avait dessiné les plans. Et encore aujourd’hui elle est en devenir.
On y retrouve deux monuments : Le Monument aux Morts et la Fontaine de la Paix. On appelle cette dernière aussi la Fontaine aux Lions. En effet, elle représente une femme qui tient une branche d’olivier, symbolisant la paix, mais sa base est entourée de lions vigilants, symbolisant les Français, qui en sont les gardiens. Elle fut érigée pour célébrer le centenaire de la Révolution Françaises, ce qui permettait seulement trente ans après la cession de la Savoie à la France de transmettre les valeurs de la nouvelle patrie aux habitants de Sallanches.
En se promenant dans les petites ruelles commerçantes de la vieille ville on retrouve le quadrillage de l’urbanisme sarde. On arrive ainsi au torrent qui coupe la ville en deux. On retrouve le fameux Pont de Saint Eloi, non loin duquel l’incendie s’était propagé et la façade en pur style architectural piémontais de l’Hôtel de Ville.
En remontant le torrent on arrive rapidement à la place Saint-Jacques, la collégiale. L’église dont l’intérieur a été décoré en style baroque après l’incendie, occupe l’ancienne place d’une église du XIIIème siècle, elle-même détruite par un incendie en 1669. En face, une fontaine datant de 1765 est l’un des rares monuments à ne pas avoir été endommagé lors de l’incendie.
L’autre est le château des Rubins.
Le château des Rubins raconte l’ancienne histoire de Sallanches

Au sommet d’une petite côte, cette haute bâtisse flanquée d’une tour témoigne de la longue histoire de Sallanches avant le célèbre incendie.
Dès le XIème siècle la ville de Sallanches se développe en tant que centre religieux et économique du Faucigny. Le Faucigny est une région historique de la Savoie, mais elle a entretenu des relations complexes avec la Maison de Savoie. Au XIIIᵉ siècle, cette province était dirigée par une la famille des seigneurs locaux de Faucigny. Par un mariage entre Pierre II de Savoie et Agnès de Faucigny en 1241, la seigneurie, entre dans le giron de la Maison de Savoie. Cependant, la fille de Pierre II eut la mauvaise idée d’épouser le dauphin du Viennois.
À la mort de Pierre II de Savoie, le Faucigny en 1268 fut à l’origine de graves tensions entre le Dauphiné et la Savoie. Ce n’est qu’en 1355, par le traité de Paris, que le Faucigny fut définitivement rattaché aux domaines de la Maison de Savoie. En juillet de la même année, une délégation de Sallanches, composée du vice-châtelain Guiffrey Burdin, des syndics et des nobles, rencontra les commissaires du roi de France et du comte de Savoie, Amédée VI, à Megève, officialisant ainsi l’intégration de Sallanches à la Savoie.
Dernier rempart face à la Réforme protestante

C’est à cette période que le château des Rubins a été construit. Il a été conçu comme maison-forte et servait initialement de résidence fortifiée pour les familles nobles locales. Au XVIᵉ siècle, il devint la demeure des nobles de Loche, baillis du Faucigny, renforçant ainsi son importance régionale.
Dernier rempart face à la Réforme protestante qui se développait à Genève, distante de seulement quelques dizaines de kilomètres, à la frontière du Chablais qui se convertissait en masse, Sallanches a dû connaître de nombreux moments de tension au cours du XVIème et du XVIIème siècle.
Aucun document relatif à cette période ne nous est parvenu. On sait cependant que deux couvents furent construits, et ensuite détruits pendant la Révolution. La force de la riposte Catholique se fit sentir pendant la Contre-Réforme en se manifestant par la construction et l’embellissement de nombreuses chapelles et églises qu’il est possible d’admirer le long du chemin baroque entre Cordon et Saint-Gervais, en passant par Combloux, à peine quelques kilomètres au-dessus du bassin de Sallanches.
Quant au château des Rubins, il abrite aujourd’hui un centre d’observation du milieu alpin : un musée interactif pour sensibiliser le public à l’environnement naturel de la montagne.
Les temps forts culturels à Sallanches
Sallanches et ses environs organisent de nombreux événements culturels pendant l’année, mais il y en a deux qui revêtent une importance significative.
Le premier est le Festival du Baroque du Pays du Mont-Blanc. Ce festival, généralement organisé en juillet, propose des concerts de musique baroque dans différentes églises de la région, y compris celle de Cordon. On y retrouve aussi des ateliers et des conférences autour de l’art baroque. L’héritage de la période baroque du XVIIème et du XVIIIème siècle est ainsi transmis de génération en génération.
Le deuxième est le Salon International du Livre de Montagne, qui se tient à Passy, à quelques kilomètres de Sallanches. Organisé en août, ce salon réunit auteurs et passionnés autour de la littérature de montagne. Il est clairement à sa place à l’ombre du Mont Blanc.
Sallanches, entourée de montagnes d’une rare beauté et dominée par l’impressionnante silhouette du mont Blanc est une destination intéressante pour tous les publics. Séduisante par sa position de carrefour entre différents domaines skiables : Combloux, Megève, Saint-Gervais et Chamonix pour les stations les plus célèbres, animée par son assise de chef lieu commercial de cette partie de la vallée de l’Arve et proche de grandes villes.
À 80 kilomètres d’Aoste et d’Annecy et 50 km de Genève, placée sur un grand axe autoroutier et sur une ligne de chemin de fer, Sallanches est une destination incontournable pour un weekend dans les Pays de Savoie.

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