Ce dimanche, notre rubrique « Nos Alpes, Nos Livres » s’intéresse à l’un des piliers de la littérature de montagne française du XX siècle, « Premier de cordée » de Roger Frison-Roche. Situé à Chamonix dans les Années 1920 et 1930, il raconte l’histoire de Pierre Servettaz, un jeune homme qui se passionne pour l’alpinisme grâce à l’inspiration de guide de montagne que lui a transmise son père Jean.

Le célèbre roman a été écrit pendant le séjour de son auteur à Alger entre 1938 et 1940, pour être achevé à son retour dans les Alpes le 22 février 1941 et inaugurer une trilogie qui se poursuivra avec « La grande crevasse » et « Retour à la montagne ». Il a d’abord été publié en feuilleton dans le journal « La Dépêche Algérienne » au cours des premiers mois de 1941 ; ce n’est que plus tard qu’il l’a envoyé à l’éditeur Arthaud de Grenoble pour qu’il l’imprime en version papier, que l’on peut encore trouver en ligne aujourd’hui.

Pierre, le « Premier de cordée »

Le titre « Premier de cordée » s’inspire du rôle clé du « cordiste » dans l’alpinisme, c’est-à-dire le guide le plus expérimenté qui conduit les autres le long des parois, en racontant leur histoire intense et profondément humaine.

Au centre du roman se trouve Pierre, fasciné par le frisson du sommet mais en même temps orienté vers une carrière plus sûre d’hôtelier par son père qui, au cours d’une expédition dans le Massif des Drus, est frappé par la foudre et meurt. Quelques jours plus tard, le fils choisit de se joindre à l’équipe de recherche chargée de récupérer le corps et, au cours de l’ascension, il risque sa vie dans une chute dramatique.

Cela déclenche une réflexion profonde sur le courage, la fragilité humaine et le pouvoir de la nature, dans une lutte constante et insatisfaisante entre le désir et la peur, entre l’ambition et la limitation, entre la chute et la renaissance.

Vertige et obscurité

Pierre survit à son accident, mais avec des conséquences pour le moins dévastatrices : le médecin qui l’a soigné l’informe qu’il souffre désormais de vertiges qui le rendent inapte à toute ascension. Il rejette cette condamnation, se persuadant qu’il s’agit d’un complot ourdi par sa mère pour l’éloigner de la montagne, mais une tentative d’ascension en solitaire du Brévent confirme la théorie et le pousse à se réfugier dans l’alcool.

Pourtant, ce qui lui redonne espoir, c’est le retour de Georges, le compagnon d’escalade de son père, guéri mais amputé des pieds, qui choisit de reprendre l’altitude en chaussant des bottes spéciales et invite Pierre à le suivre. Mais celui-ci, en proie à son propre anéantissement, est acculé au refus jusqu’à ce que ses propres amis, tenaces, l’incitent à s’essayer sur des parois plus faciles, l’aidant à surmonter peu à peu la peur qui le retient.

Une renaissance entre pics et vallées

Le tournant de « Premier de cordée » se produit lors du traditionnel « combat de reines », une bataille entre des bovins typiques de la Vallée d’Aoste, des Pays de Savoie et du Canton du Valais visant à établir la reine de l’alpage. Pierre, contre toute attente, mise sur Lionne, la vache d’un ami, contre la favorite La Boucle, un triomphe symbolique qui marque aussi la victoire intérieure du garçon.

Renaissant, il décide alors de retourner en montagne avec Georges pour s’attaquer au Couloir Couturier de l’Aiguille Verte, puis tous deux choisissent de faire carrière comme guides de montagne, en se formant en conséquence. La fin du roman est centrée sur l’accomplissement personnel du protagoniste, qui annonce joyeusement à sa mère sa décision d’épouser sa fiancée Aline.

Roger Frison-Roche, auteur de « Premier de cordée »

Né à Paris en 1906 dans une famille d’origine savoyarde, Roger Frison-Roche s’installe à Chamonix à l’âge de 17 ans et devient le premier « non-chamoniard » à être admis dans la prestigieuse Compagnie des guides. Alpiniste, skieur, moniteur et journaliste, il participe à des expéditions légendaires à travers le Sahara et le Grand Nord sur des dromadaires et Citroën Deux Chevaux.

Écrivain prolifique, il publie son premier roman « L’appel du Hoggar » en 1936, avant de connaître la consécration avec « Premier de cordée ». Ce succès a donné lieu à deux adaptations différentes, un film de 1944 réalisé par Louis Daquin et une version télévisée de 1999.

Après avoir été fait prisonnier pendant la Seconde Guerre Mondiale et avoir rejoint la Résistance alpine, il s’installe définitivement à Chamonix, où il meurt en 1999, entouré de ces mêmes montagnes qui ont inspiré sa vie et son œuvre.

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Née en 1997, j'ai deux licences en langues et littératures modernes, un master en journalisme 3.0 et une détermination inébranlable, le tout obtenu avec les meilleures notes. Passionnée d'écriture depuis l'âge de 7 ans et journaliste indépendante depuis 2021, j'ai participé à la construction de "Nos Alpes" en grandissant jour après jour et en apprenant à être meilleure. Dans le temps libre que j'essaie de me ménager, je cultive certaines de mes passions frivoles, notamment le rose et les sucreries, le shopping et le maquillage, mais surtout mes récits.

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