Le 24 juin 2025, à Rome, l’Uncem, l’Union nationale italienne des communes de montagne, a présenté le rapport « Montagne Italia 2025« .
L’ouvrage a été financé et promu par le Progetto Italiae du Département des affaires régionales de la Présidence du Conseil des ministres. Grâce aux données recueillies et à leur analyse, il décrit la situation de 3 471 communes de montagne, qui couvrent près de la moitié du territoire italien.
Le Projet Italiae sera aussi présent à Coni le 26 juin pour présenter une application web appelée « Administration transparente« .
Les montagnes entre dépeuplement et néo-population
L’approche de la connaissance du document est statistique et quantitative, selon la vision italienne classique des montagnes, à la recherche d’une compréhension unifiée et d’outils de gouvernance pour tous les territoires qui peuvent être assignés à une catégorie.
En ce qui concerne le phénomène démographique, le rapport constate un signal positif. Au niveau national, après des décennies de déclin, le solde migratoire redevient en hausse entre 2022 et 2023 : près de cent mille personnes se sont installé en montagne, avec une augmentation nette de plus de 12 pour mille, soit 1,2 pour cent.
Toutefois, le document révèle ensuite des différences régionales et le message change. Dans certaines régions, il y a une augmentation, dans d’autres, le déclin se poursuit. En fait, les raisons du repeuplement sont variées et spécifiques à chaque territoire, et ne sont pas toujours et pas nécessairement positives.
En Émilie-Romagne, en Toscane et en Ligurie, les gens reviennent vivre en montagnes, et l’étude n’examine pas les raisons de chaque cas. Elle note cependant que les montagnes du Sud, en Calabre, Basilicate et Sicile, continuent de perdre des habitants.
Dans une évaluation générale, la question du repeuplement est donc réglée et comprise. Elle va avec la proposition, bien connue dans le débat italien, d’un plus grand effort financier en faveur du Sud.
Communautés vertes et revitalisation des territoires
Le rapport pose ensuite la question de l’efficacité des fonds européens, et notamment des Green Communities, un programme national italien financé par les fonds PNRR NextGenEU, comme France Relance.
Le document y consacre une large place. Sur les 200 projets présentés, seuls 40 ont été financés à ce jour, soit 20 %. Les communautés de montagne qui sont entrées dans le processus engagent des actions sur l’énergie, la mobilité et l’environnement, comme l’installation de panneaux photovoltaïques dans les refuges des Abruzzes ou de stations de recharge électrique dans les zones rurales et montagneuses de Campanie.
Green Communities est un programme classique top-bottom, dans lequel il est rarement possible, surtout dans le Sud, de créer une communauté participative et responsable, comme le montrent, au contraire, et avec peu de fonds européens, les communautés de l’énergie renouvelable en France, ou même les communautés de l’énergie renouvelable qui ont vu le jour, même seules, par exemple dans le Piémont.
Mais le jeu en vaut la chandelle, car l’Uncem demande que 200 à 250 millions d’euros supplémentaires provenant des fonds de cohésion nationaux ou européens soient alloués aux Green Communities.
Le rôle de l’État et des programmes centraux
Le rapport analyse également l’évolution de la Stratégie pour les espaces internes (aree interne), avec des projets visant à réduire les problèmes de distance, d’une gare, d’un hôpital, d’une école.
Le document souligne le rôle croissant des formes associatives entre les autorités locales. En effet, l’UNCEM souhaite le retour des Communautés de montagne prédéfinies et stables : elles, en tant qu’organisme publics, ont été dissoutes au moment de la simplification et de la réduction des dépenses publiques, quand les taux étaient hors contrôle.
Il prône une gouvernance multi-niveaux, dans laquelle il s’agit essentiellement d’appeler à leurs responsabilités les niveaux de gouvernement des administrations les plus structurées, de la Province à la Région et à l’Etat. En particulier, le rapport souligne l’urgence de remédier aux déséquilibres dans les services essentiels. Il appelle à un rôle direct des Régions et de l’État, y compris en matière de dépenses, pour garantir des droits équivalents aux citoyens vivant dans les montagnes.
Le rapport a ensuite élaboré une enquête, étendue à tous les citoyens, dont la majorité vit évidemment dans les zones de plaine et les zones urbanisées.
En retour, la perception qui ressort de l’enquête est urbano-touristique: 67% des répondants apprécient l’air pur, 65% le contact avec la nature, 50% la tranquillité, comme en vacances, donc.
Un rapport à lire avec précaution
Le document est en tout cas vaste et articulé, avec près de 800 pages de données, d’analyses et de propositions. Il a établi un décalogue dans lequel, par exemple, il propose une ambulance et un médecin généraliste dans chaque municipalité, contrairement au programme de décentralisation des services de santé pourtant articulé et mis en place dans le cadre des réformes du PNRR NextGenEU (comme France Relance).
Il propose également d’utiliser des entreprises publiques ou des sociétés mixtes pour réaliser des investissements. D’une part, il exclut la concurrence entre opérateurs concurrents et propose « en régie » Enel pour l’électricité et Eni pour l’énergie.
Pour les réseaux, il demande aux opérateurs publics de réaliser des investissements en montagne sur leurs ressources internes, pour les routes, les rails et la distribution d’électricité. Toutefois, les fonds proviendront toujours de l’administration publique.
Programmes descendants ou projets ascendants
« Montagne Italia 2025 », publié aux éditions Rubettino, nécessite une lecture approfondie et fait partie des documents que nous souhaitons étudier. Sa lecture plus lente permettra sans doute de dégager des indications utiles, des propositions, des innovations.
De notre point de vue, dans les 15 mois que Nos Alpes est en ligne, nous avons lentement collecté des informations individuelles, nous avons remarqué qu’il existe de nombreuses politiques pour la montagne, basées sur des approches mentales très différentes. Nous avons observé diverses expériences de convergence de forces locales, de ressources disponibles localement. Il y a des cas d’implication directe des personnes, avec des idées et des exemples apportés de l’extérieur à la discussion.
Nous venons d’écrire sur la façon dont l’État français – dont l’image perçue en Europe et en Italie est hypercentraliste – a identifié une série de projets bottom up. Avec la présence publique du préfet des Alpes-Maritimes lors d’une récente présentation, il a financé une quarantaine de projets de revitalisation économique et sociale des vallées de la Roya, de la Tinée et de la Vésubie, touchées par la tempête Alex en 2020 puis Aline en 2023.
Ils ont fait élaborer et proposer ces projets dans le cadre d’une concertation locale qui a duré près de deux ans, avec les maires et les adjoints des plus petites communes, les opérateurs de l’acceuil, les agriculteurs et les éleveurs.
En France aussi, il existe de grands programmes nationaux top bottom pour les zones « intérieures » ou rurales : France Service, Pacte Vert, Petites Villes de demain, etc. Chaque programme est conçu au niveau central et mis en œuvre de manière décentralisée par les territoires, notamment les collectivités locales, avec des calendriers, des actions, des objectifs.
Observer sur le terrain
Nous pensions que pour les communes des tempêtes Alex et Aline, l’administration centrale française aurait pu augmenter le budget de ces instruments(France Service, Pacte Vert) comme le Rapporto Montagne 2025 propose de le faire pour 250 ou 300 millions avec les Green Communities centralisées en Italie.
Au lieu de cela, ils ont fait élaborer et proposer quarante projets d’une valeur de 30 millions d’euros par des ateliers composés d’habitants et de quelques animateurs et fonctionnaires. Ils les ont conçus avec une approche holistique, au cas par cas.
Voyons ensemble ce qu’ils sont. Ils ont décidé la rénovation d’un petit hôtel, l’extension d’une via ferrata, la rénovation de cinquante sentiers, d’une petite place dans un village médiéval et de deux vacheries.
Les douze projets de la Vésubie ont été présentés le 20 juin, en présence du préfet, dans un centre de rencontre en montagne, dans la région de la Vésubie. Et nous en avons écrit, même avec une relative prudence, pour comprendre.
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