En France, on préfère que le tunnel du Mont-Blanc soit fermé chaque automne pendant 15 ans, plutôt qu’en une seule fois pendant trois ans et demi.
Après que le GEIE du Tunnel du Mont Blanc pour réaliser les travaux de réfection de la voûte a proposé les deux hypothèses de fermeture possible, une consultation, plus ou moins formelle, s’est engagée en France, et notamment en Savoie et Haute-Savoie, sur le choix à faire.
La question n’est pas anodine, car elle permet d’influencer le résultat des travaux de la Commission intergouvernementale – composée de fonctionnaires, ayant les délégations et les pouvoirs appropriés – en dehors d’un véritable processus de décision démocratique ou participatif.
Le choix français de procéder à une consultation, même s’il est en unilatéral, est en fait une manière d’ouvrir à l’extérieur – c’est-à-dire aux départements, aux collectivités locales, aux parlementaires et à leurs groupes d’intérêts – une décision qui aura des conséquences profondes sur les territoires mais aussi sur les échanges entre les deux Pays.
Pour comprendre à quel point la Commission intergouvernementale travaille sur son propre agenda, il suffit de considérer qu’à l’heure actuelle, l’hypothèse d’un second tube n’est même pas sur la table, alors qu’elle est formellement sur la table entre les deux gouvernements, comme l’a encore confirmé le ministre des Transports lui-même, Philippe Tabarot, lors de la réunion du 24 octobre 2025 à la Commission du développement durable de l’Assemblée nationale.
« Je ne vous cache pas que la diplomatie italienne fait fortement pression pour le doublement du tunnel du Mont-Blanc, après l’avoir fait pour les tunnels du col de Tende et du Fréjus. »
De quoi s’agit-il ?
Le GEIE du tunnel du Mont-Blanc avait soumis à la Commission intergouvernementale franco-italienne, qui doit se réunir en décembre, deux scénarios pour les travaux de réfection du revêtement du tunnel, qui débuteraient en 2030 : le premier prévoit une fermeture continue pendant trois ans et demi, le second une interruption automnale de trois mois et demi pendant quinze ans, de 2030 à 2045.
Les travaux ne concerneraient pas l’ensemble du tunnel (comme cela avait peut-être été mal compris jusqu’à présent), d’une longueur de 11,6 kilomètres, mais seulement un tronçon central de six kilomètres, dont 600 mètres seraient déjà réalisés en 2024 et 2025. Cela représente 360 mètres par an.
Donc, suite à cette proposition, la préfète de Haute-Savoie, Emmanuelle Dubée, s’est tournée vers les parlementaires locaux pour leur demander leur avis. Une sorte de consultation, ou de prise de position, par des différents acteurs a alors commencé, ce qui va orienter la position française – qui sera exprimée lors de la conférence intergouvernementale – vers l’hypothèse d’une fermeture par étapes, c’est-à-dire à l’automne pour 15 ans.
La Savoie et la Haute-Savoie pour une fermeture par étapes
Le député Xavier Roseren, ancien maire des Houches, dans la vallée de Chamonix, opposé au second tube, a préféré recourir à une consultation rapide sur son site Internet et s’en tenir ensuite à la position exprimée : 585 personnes ont répondu, dont 454 en faveur d’une fermeture par étapes (77,6%). Ce chiffre est cependant à prendre avec précaution : même pour les sondages express, on ne reste pas en dessous d’un millier d’interviews, et on essaie de diversifier par âge, lieu, sexe, activité.
Émilie Bonnivard, députée Les Républicains de Savoie, dans la circonscription de Maurienne, est intervenue auprès du ministre des transports Philippe Tabarot pour souligner la nécessité de choisir une fermeture par étapes : le tunnel du Fréjus et ses infrastructures d’accès ne supporteraient pas le poids d’un tel trafic pour trois ans et demi d’affilée.
Le Département de la Haute-Savoie s’est prononcé dans le même sens, le 27 octobre, pour une fermeture sur 15 ans pendant trois mois et demi à l’automne. Cette position a été adoptée par son Comité exécutif, comme nous l’a confirmé son service de presse. Il s’agit d’une décision importante, notamment parce que son président, Martial Saddier, siège au conseil d’administration de la société concessionnaire publique française ATMB, et il y représente les collectivités territoriales.
Le Conseil départemental de la Savoie, quant à lui, a pris position lors de sa réunion plénière du 14 novembre. La position est la même, à savoir une fermeture par étapes uniquement à l’automne pendant 15 ans, et non en une seule fois pendant trois ans et demi.
Jean-Christophe Gautheron, secrétaire général de l’OTRE (Organisation des Transporteurs Routiers Européens) Auvergne-Rhône-Alpes, et Sylvain Vandelle, de la Fédération nationale des transports des Savoie et du Dauphiné, s’étaient également exprimés en faveur d’une fermeture progressive dès le départ.
Dans la Vallée d’Aoste et le Piémont, on n’en parle pas
Du côté de la Vallée d’Aoste et du Piémont, il n’y a ni consultation ni prise de position, peut-être parce qu’il n’y a pas eu de demande explicite, comme il a été le cas en France de la part de la préfecture de Haute-Savoie. Hormis celle du syndic de Courmayeur , Roberto Rota, et de son assesseur au tourisme, Simone Casale Brunet (entendus par La Vallée News), qui semblent pencher pour une fermeture par étapes, il n’y a pas d’autres réactions. Le journal Aostasera a lancé un sondage en ligne, toujours ouvert.
D’ailleurs, à moins de son intégration dans la liste de dernière minute, le sujet ne figure pas à ce jour à l’ordre du jour du Conseil régional de la Vallée d’Aoste, convoqué pour les 24 et 25 novembre 2025.
Du côté piémontais, il n’y a pas non plus de prise de position, que ce soit au sein du Conseil régional ou de la part du président Alberto Cirio. Du côté italien, le discours reste centré sur le deuxième tube, et la décision sur les deux alternatives de fermeture ne semble pas réchauffer les cœurs, malgré son importance. Même sur le plan technique, il n’en est pas fait mention, comme lors de la réunion du projet Interreg Alcotraité du 19 novembre.
La ville de Genève, qui détient 3,125 % des parts de la société italienne SITMB et 5,41 % des parts de la société française ATMB, où elle est représentée par Nathalie Böhler, n’a pas non plus pris position publiquement.
Unanimité pour la fermeture par étapes, mais le GEIE préfére-t-il celle sur trois ans et demi?
Riccardo Rigacci, directeur du GEIE du Tunnel du Mont-Blanc, semblait favorable à une fermeture continue pendant trois ans et demi, au moment de l’annonce. Il exprimait probablement l’opinion dominante dans les sociétés concessionnaires.
Sans exclure l’autre hypothèse, celle d’une fermeture par étapes, il a souligné la plus grande efficacité d’une fermeture unique de trois ans et demi, pour ne pas avoir à démonter et remonter les installations chaque année. Il s’agit de motivations et d’avantages techniques, mais qui ont une incidence sur le trafic et la gestion du territoire des Alpes occidentales dans leur ensemble, comme l’ont souligné le Conseil départemental de la Savoie et l’exécutif de la Haute-Savoie.
A l’heure actuelle, la voix exprimée par les territoires (français) est donc tout à fait favorable à la fermeture par étapes, pour 15 ans, et pour trois mois et demi à l’automne. Cette opinion dominante parviendra à la Conférence intergouvernementale.
Pour l’heure, pas de référence au second tube, même de service ou en aide pour ces travaux, et malgré le fait que les ministres italien et français des transports en parlent assez souvent.
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