Plongées dans un passé idéal où le temps semble s’être arrêté, il existent en Ligurie des coins abandonnées et des antres d’histoire évocateurs qui enveloppent la région de mystère et la peuplentde légendes et de fantômes. Des anciens châteaux aux villages inhabités, « Nos Alpes à la découverte » vous accompagne sur des chemins pavés d’énigmes et parcourus par des spectres errants piégés dans l’éther de la fin de la vie.
Notre itinéraire commence à Bussana Vecchia, un petit bourg médiéval de l’arrière-pays de Sanremo frappé le 23 février 1887 par un terrible tremblement de terre qui l’a laissé en ruines. Depuis les Années 1960, cependant, des artistes et des artisans de toutes sortes ont commencé à s’installer parmi les bâtiments à moitié détruits, les rénovant et les ré-habitant au point de les transformer en un centre vivant de culture et de créativité. Dans les échos de la dévastation de cet épisode dramatique, il est encore possible d’entendre les cris des centaines de victimes de ce jour-là, tandis que plus bas dans la vallée l’héritière commune de Bussana se dresse depuis 1894.
Dans notre voyage à la découverte de la Ligurie des mystères et des fantômes, nous nous rendons maintenant à Apricale, où se trouve le Château du Lézard datant du XXème siècle, où la belle comtesse Cristina Anna Bellomo réside encore sous sa forme spirituelle. Née en 1861 dans une famille pauvre, elle épousa Giobatta Pisano alors qu’elle était encore très jeune, mais une fois installée à Nice elle fut abandonnée par son mari, qui s’enfuît en Amérique de peur d’être puni pour ses crimes. Des années plus tard, les deux se rencontrèrent à nouveau, mais l’issue de celle journée fût pour le moins malheureuse et les conduît tous deux à la mort, lui par suicide, elle par uxoricide. Restée dans les limbes d’une vie vécue seulement jusqu’à l’âge de 43 ans, la Comtesse de la Tour est restée, depuis mai 1904, prisonnière de cette demeure involuée qui après tout était devenue un peu sa maison.
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Nous continuons vers l’ancienne Vallée de l’Argentine, où se trouve le village de Triora, rendu tristement célèbre par certains faits d’intolérance envers les femmes accusées de pratiquer la sorcellerie, qui se sont produits entre 1587 et 1589. On y respire encore le sens de la ritualité et l’odeur de la magie qui caractérisaient le XVIème siècle, lorsque à la suite d’un grand procès de nombreuses sorcières présumées ont été torturées, emprisonnées et même assassinées. À Triora même il est encore possible de visiter l’ancienne « Cabotina », un lieu qui selon les archives locales accueillait autrefois des sabbats et des évocations démoniaques. Non loin de là, à Molini di Triora, il existe de nombreux témoignages de visiteurs qui auraient entendu des bruits étranges venant de l’obscurité ou des caresses persuasives et macabres qui auraient donné des frissons. Toujours à Vintimille, la « Pria Margunaira », un rocher qui se dresse juste devant le bourg médiéval, est peut-être l’œuvre d’un enchantement, perpétré peut-être par ces mêmes femelles-oiseaux qui volaient du village de Costarainera à l’île de Gallinara.
Enfin, les fantômes de Ligurie peuplent aussi la commune de Canate di Marsiglia, dans l’arrière-pays génois, progressivement privée de ses habitants et de ses activités jusqu’à devenir complètement vide. En se promenant dans les ruelles étroites qui caractérisent le paysage, il est facile d’être fasciné par les vestiges des habitations en pierre qui existaient autrefois ou d’être enchanté par les ombres des artisans et des marchands qui dans le passé l’ont rendu vivant et animé.