Le groupe GEDI, l’un des principaux éditeurs italiens, est en train d’être vendu par Exor, la holding de la famille Agnelli-Elkann. L’opération présente un grand intérêt car elle concerne deux importants journaux italiens, La Stampa et La Repubblica.
L’effet sur l’information nationale est important, mais il y a aussi un aspect territorial. La Stampa a des bureaux et des éditions locales à Turin, Coni, Aoste, Imperia-Sanremo et Savone, dont l’avenir reste à voir.
Le groupe GEDI a déjà vendu d’une part l’hebdomadaire L’Espresso en 2022 à BFC Media (en 2023 a été racheté par Ludoil Energy) et d’autre part le quotidien historique de Gênes, Il Secolo XIX, en 2024, au groupe MSC de Gianluigi Aponte. Dans ce dernier cas, la situation est parallèle à celle de CMA CGM de la famille Saadé, qui a acquis BFMTV et RMC en France la même année, ainsi que La Provence, Corse-Matin et La Tribune les années précédentes.
La Stampa et La Repubblica, affaires italiennes
La Stampa, fondée à Turin en 1867, est l’un des principaux journaux nationaux, avec de fortes racines à Turin. Il est historiquement lié, pour sa propriété et son esprit, à la famille Agnelli (et donc à FIAT) et, dans la période d’après-guerre, il a développé une tendance libérale et modérée. La Repubblica, fondé à Rome en 1976 à l’initiative d’Eugenio Scalfari, représente depuis des décennies la voix progressiste et réformiste du centre-gauche italien.
Ce sont des journaux qui ont raconté les événements italiens les plus difficiles, qui ont vécu les « Anni di piombo » (le directeur adjoint de La Stampa, Carlo Casalegno, a été tué en 1977 par les Brigades rouges), qui ont connu l’ère Berlusconi et l’avènement du populisme, puis de la droite de Giorgia Meloni au gouvernement. Récemment encore, le 28 novembre, le bureau turinois de La Stampa a été occupé et ravagé par un groupe de jeunes pro-palestiniens, qui s’étaient détachés d’une manifestation en cours dans une rue de la ville.
Le groupe GEDI, qui se trouve en vente, comprend également Radio Deejay et Radio Capital, ainsi que Huffington Post Italia.
Une crise industrielle et un désengagement familial
La décision de vendre le groupe GEDI intervient à un moment où le secteur italien de l’édition est en difficulté, comme dans d’autres parties d’Europe. Ces dernières années, La Stampa et La Repubblica ont réduit leur diffusion d’environ 40 %, et les recettes numériques ne compensent pas les pertes.
D’autres décisions concernent également le holding familial, Exor, qui s’est partiellement détourné des secteurs automobile et industriel italiens, en diversifiant ses investissements internationaux, y compris dans les nouvelles technologies.
Exor est basée aux Pays-Bas et détient des participations dans Stellantis, Ferrari, CNH – elle joue un rôle important d’orientation – et dans The Economist. Il y a aussi des aspects personnels : pour un conflit complexe en matière d’héritage, John Elkann a fait l’objet de condamnations, dont des recours sont toujours en route. Carlo De Benedetti, ancien éditeur de La Repubblica, a déclaré que cette situation inciterait Elkann à s’installer définitivement aux États-Unis.
Éditeur grec, inquiétudes, satisfaction russe, bureaux locaux
Les négociations en cours pour la vente de GEDI sont menées avec Antenna Group, un groupe de médias grec appartenant à Theodore Kyriakou. L’accord marquerait l’entrée d’un éditeur étranger, et plusieurs voix politiques ont exprimé des inquiétudes, tout comme les rédactions elles-mêmes. Toutefois, la tendance, même de la part du gouvernement national, semble être de laisser le marché et les négociations se dérouler.
La vente de La Stampa et de La Repubblica pourrait également réduire deux voix de la tradition atlantique, occidentale et européenne, qui ont fait de l’information sur l’invasion russe en Ukraine. Il n’est pas surprenant qu’après l’annonce de la vente l’ambassade de Russie en Italie ait publiquement exprimé sa satisfaction, qualifiant les deux journaux de « porte-voix de la propagande anti-russe ».
La vente du groupe GEDI a également une importance dans la région alpine. La Stampa possède des bureaux historiques et produit des chroniques locales à Aoste, Turin, Coni, Imperia-Sanremo et Savone. Dans ces villes, le journal est souvent la principale référence en matière d’information, y compris pour les questions transfrontalières, par exemple dans le domaine des transports, du tunnel de Tende à l’Autoroute ferroviaire alpine, en passant par les tunnels du Fréjus et du Mont-Blanc.
La Repubblica, pour sa part, dispose d’une rédaction à Turin, qui couvre également les territoires alpins. Autant de structures qui pourraient être concernées par d’éventuelles réorganisations.
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