Comment concilier résidences secondaires et vie locale à l’année, tel est l’objet de la conférence organisé par l’APTV et le Campus Alpin, le 27 février prochain. Cet événement réuni expert, élus et citoyens autour des enjeux liés à l’impact des résidences secondaires sur les territoires de montagne. Quentin Drouet, doctorant en géographie des territoires de montagne, interviendra lors de cet événement pour présenter ses travaux de recherche, qui offrent des perspectives sur les dynamiques territoriales et les politiques publiques à mettre en place pour résoudre ces problématiques.
L’aménagement des territoires de montagne, un enjeu majeur pour favoriser une vie locale à l’année tout en étant propice au tourisme
Les résidences secondaires ont des impacts variés sur les territoires alpins. Elles génèrent des retombées économiques importantes grâce aux dépenses des propriétaires et des visiteurs, favorisant l’emploi local, notamment dans les secteurs du commerce, de la restauration et des services. Cependant, cette dynamique économique est à double tranchant.
Le marché des résidences secondaires : une bonne gestion nécessaire pour maintenir la vitalité des territoires de montagne
Les résidences secondaires exercent une pression croissante sur le marché immobilier, compliquant l’accès au logement pour les résidents permanents. La hausse des prix de l’immobilier, alimentée par la demande des acquéreurs de résidences secondaires, rend difficile la stabilisation des populations locales, particulièrement les jeunes actifs et les familles. Cette situation entraine la dévitalisation des centres-villes et des villages, affectant la cohésion sociale.
La thèse de Quentin Drouet, intitulée « Les résidences secondaires et l’action publique au défi du maintien de la vie locale à l’année dans les communes-supports de stations », s’appuie sur des études de cas multiples dans l’arc alpin (France, Suisse, Italie, Autriche, Slovénie). Cette recherche met en lumière la complexité des dynamiques territoriales face à une demande croissante de résidences secondaires, amplifiée par la crise sanitaire et le changement climatique.
L’objectif de cette conférence est d’échanger pour favoriser l’émergence et l’action des solutions pour concilier le développement économique induit par le tourisme et le maintien d’une vie locale dynamique tout au long de l’année.
L’environnement de montagne : un Mont Olympe fragile
Le changement climatique a des impacts significatifs sur les stations de montagne : réduction de l’enneigement, pression sur les ressources en eau, augmentation des risques naturels. Ces transformations affectent directement l’économie touristique et la résilience des territoires. Selon le rapport de Green Cross France et Territoires, l’adaptation des politiques publiques est essentielle pour préserver la vie locale. Cependant, les politiques publiques actuelles, bien que nécessaires, ne suffisent pas à réguler l’impact des résidences secondaires sur l’accès au logement permanent, la gestion du foncier, et l’équilibre des écosystèmes.
Les politiques locales actuelles de planification territoriale, d’urbanisme et de fiscalité ne suffisent pas à réguler la pression exercée par le marché des résidences secondaires. En effet, cette situation impacte l’accès au logement permanent, la gestion du foncier et la performance de l’économie touristique. Cependant, elles peuvent inclure des quotas de résidences secondaires. Cette démarche incite à la location longue durée, et la transformation des « lits froids » en hébergements actifs, ce qui permettrait de stimuler l’économie locale et d’améliorer la rentabilité des infrastructures publiques. La fiscalité, notamment à travers des taxes sur les résidences secondaires, peut financer des projets de logement abordables et aider à la revitalisation des villages.
Des lois et des mesures existantes dans l’ensemble de l’arc alpin
En Suisse, une loi fédérale impose qu’aucune nouvelle résidence secondaire ne puisse être construite dans les communes où elles représentent plus de 20 % des logements. Cette législation, entrée en vigueur en 2016, a permis de développer des solutions innovantes, comme les « chesas » de la Haute-Engadine. Ce sont des logements accessibles pour la population locale qui préservent également les espaces naturels et agricoles. Dans les Grisons, cette approche a empêché les promoteurs immobiliers d’empiéter sur les sols agricoles. Cette restriction a permis de maintenir un équilibre entre la vie locale et le tourisme.
En Suisse, l’application de cette législation a prouvé qu’il est possible de limiter l’urbanisation excessive tout en préservant le dynamisme économique des zones touristiques. La régulation a également permis de limiter les tensions sur le marché immobilier, offrant ainsi aux résidents permanents une meilleure qualité de vie.
L’approche de Quentin Drouet combine enquêtes auprès des propriétaires et analyses statistiques pour identifier les interventions publiques qui favorisent la vie permanente dans les zones touristiques. En géographie, l’observation des tendances à la multi-résidentialité aide à appréhender et à comprendre ce phénomène afin d’aider l’adaptation des politiques publiques.
Des actions et des projets porteurs pour la conciliation des usages
Face à ces défis, plusieurs pistes d’action peuvent être envisagées. La régulation du développement des résidences secondaires est une première étape. Les collectivités locales peuvent mettre en place des politiques de gestion foncière pour préserver des logements destinés aux résidents permanents. Cela peut inclure des quotas de résidences secondaires, des réglementations sur l’usage des logements et des incitations à la location longue durée.
Des dispositifs vitalisant et dynamisant la vie locale
La fiscalité est un levier important. Des taxes sur les résidences secondaires peuvent financer des projets de logements abordables. Cette fiscalité incitative peut aussi encourager la transformation des « lits froids » en hébergements actifs, générant ainsi des revenus pour les collectivités et stimulant l’économie locale. Le soutien à la construction de logements accessibles est essentiel pour maintenir une population active et diversifiée dans les territoires de montagne.
L’intégration des propriétaires de résidences secondaires dans la vie locale est également une piste à explorer. Inciter leur participation aux activités communautaires peut renforcer les liens entre résidents permanents et temporaires. Des initiatives telles que des événements locaux, des associations de quartier ou des programmes de sensibilisation à la culture locale favorisent cette cohésion.
De plus, repenser les stratégies touristiques pour valoriser les séjours de longue durée et les visiteurs locaux contribue à un développement plus durable. Un tourisme qui s’appuie sur des activités variées au-delà des sports d’hiver, permet de stabiliser l’économie locale tout au long de l’année.
Un équilibre à trouver vers une conciliation
L’approche interdisciplinaire est essentielle pour élaborer des solutions adaptées. Les travaux de Quentin Drouet, associés aux données de l’INSEE et aux analyses du rapport de Green Cross France et Territoires. Ils offrent des perspectives précieuses pour orienter les politiques publiques vers des modèles plus équilibrés et résilients face aux enjeux climatiques.
Cette conférence à Bourg-Saint-Maurice est une opportunité de réflexion sur l’avenir des territoires de montagne. En croisant les regards de chercheurs, d’élus et de citoyens, elle vise à identifier des solutions concrètes pour concilier développement touristique et maintien d’une vie locale dynamique à l’année. L’engagement des acteurs locaux sera déterminant pour construire des territoires alpins résilients, capables de s’adapter aux défis climatiques et socio-économiques.
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